Cet article a été publié dans la Revue les Annales  (  

An.cuksa vol. I N°1(2007), p.77-101.) et a pour auteurs

 

Simon KAYEMBE Malindha Tshikuta,

Toussaint MUSHID Kaur, Gérard TSHITEMBU Mfumu

 

                     Simon KAYEMBE MALINDHA TSHIKUTA

         Doctorant en Langues et Littératures Africaines/ Faculté des Lettres et Sciences Humaines/Université de Lubumbashi)

                                  E-mail : simonmalindha@yahoo.fr

                          Phone : (+ 243) 0997030227 ; 0813767837

                                           Lubumbashi/ Katanga

R.D. Congo

 

An.cuksa vol. I N°1(2007), p.77-101.

 

  PAREMIOLOGIE  COKWE (K1l) :

ETUDE ANALYTIQUE

 

Simon KAYEMBE Malindha Tshikuta,

Toussaint MUSHID Kaur, Gérard TSHITEMBU Mfumu

 

Résumé : c’est à la promotion de la littérature orale d’un des peuples du Katanga (R.D. Congo) que se livrent les Auteurs. Ils sont convaincus qu’au nombre des legs négro-africains à valoriser à l’ère de la construction d’un nouvel universel, il y a les proverbes qui jouent un rôle didactique et moralisateur.

                                  

Introduction

 

L’approche de notre contribution  s’inscrit dans  la parémiologie, qui est l’étude des proverbes. Notre réflexion est  donc à la fois littéraire et linguistique. Littéraire, parce que les proverbes composent des genres figés de la littérature orale dont le sous – genre se  classe dans les morceaux récités, la littérature pouvant alors être étudiée qu’à la lumière des données linguistiques. A ce propos NGANDU dit : « Les auteurs se rendent compte que la littérature écrite ou orale, constitue un ensemble de structures linguistiques »[1].

Il existe cependant une controverse au sujet des  domaines qui sont à cheval entre la littérature et la linguistique. De ces domaines on peut citer  la stylistique et la parémiologie. De nombreux auteurs ont réfléchi et tenté  de fixer  des limites entre la parémiologie et la littérature d’une part, et entre  la parémiologie  et la littérature d’une part, et entre la parémiologie et la linguistique d’autre  part. En ce qui nous concerne, l’essentiel n’est pas de discuter le fondement  de ces controverses.

Quelles qu’elles soient, il est un fait que notre étude est à cheval entre la littérature et la linguistique. Il est aussi un fait qu’elle  relève de la sémiotique, science qui permet, pour reprendre de nouveau Ngandu Nkashama, d’établir un pont entre la linguistique et la littérature ; non seulement d’établir un tremplin mais de faciliter les études qui se situent entre les deux domaines corrélatifs.

         L’africain, particulièrement le congolais, est à la recherche de son identité culturelle, de son authenticité. Il voudrait être lui-même et s’exprimer tel qu’il est. Avec la prise de conscience de son authenticité, l’Africain cherche à retrouver ses valeurs et ses sources traditionnelles. « S’il est un domaine auquel la recherche de l’authenticité peut s’appliquer avec beaucoup de bonheur, dit Mufuta, c’est sans conteste, celui des traditions orales – de la littérature orale »[2].

Ainsi, nous voulons participer à la recherche de  cette identité culturelle et de cette authenticité en nous plongeant dans nos traditions orales pour y puiser les valeurs culturelles les plus honorables et les plus dignes vis-à-vis du monde extérieur. Par cette étude nous voulons non seulement contribuer à la conservation de notre patrimoine mais aussi à la connaissance par d’autres des valeurs culturelles dont regorgent les proverbes cokwe et, de la sorte, remettre à l’honneur ce genre littéraire très peu exploité et très peu étudié. Ainsi, nous sommes-nous limité à l’analyse de quelques proverbes cokwe en les traitant davantage sous l’aspect sémantique. Il s’agit concrètement d’un essai d’analyse des proverbes cokwe des territoires de Sandoa et de Dilolo, dans le District du Lualaba, Province du Katanga.

L’étude comprend ainsi deux grandes parties dont chacune contient des subdivisions. La première partie présente de manière générale les proverbes cokwe. Elle mentionne aussi leur environnement linguistique et leur contexte culturel. La seconde partie est par contre  consacrée à l’analyse des proverbes choisis. Ceux-ci sont répartis en trois thèmes.

Thème I : Méfiance à l’égard des apparences ;

Thème II : Education ;

Thème II : Respect des anciens.

Une conclusion générale reprend brièvement l’essentiel de cette étude.

L’analyse  des différents proverbes va nous conduire à présenter d’abord chaque thème avec les proverbes qui lui sont liés.

Le proverbe est numéroté et traduit littéralement. Ensuite, nous passerons successivement à l’étude du corpus, des éléments de la chaîne syntagmatique, à la distribution syntagmatique et, enfin, à l’étude sémiotique. Pour chaque proverbe, il a été procédé à la traduction littéraire, à la signification des signifiants, au sens général et aux applications possibles dans les différents domaines de la vie. Les emplois particuliers ne sont qu’illustratifs et non exhaustifs et exclusifs.

1.  Présentation de proverbes cokwe

1.1 Généralités

1.1.1. Définition

 

Il n’est rien de plus  malaisé que de définir un terme ou un concept, car il est demandé pour ce faire d’être concis, succinct mais exhaustif, ou extensif sans être prolixe. Pour le Robert, « le proverbe est une vérité d’expérience ou conseil de sagesse pratique et populaire, commun à tout un groupe social, exprimé en une formule elliptique généralement imagée et figurée »[3]

         Mais selon F.M Rodegen, le proverbe est « une sentence, une vérité imagée, concise, parfois rimée, qui contient souvent des allitérations, renferme parfois des jeux de mots ; toujours elle est rythmée et s’exprime généralement sous forme métaphorique »[4].

         En cókwe, le proverbe est désigné sou le nom de « Cishima » au signulier et « Yishima » au pluriel (cl.7/8). Les cókwe définissent le proverbe comme étant un fait ou une expérience millénaire vécue par les ancêtres et transmis oralement à leurs descendants pour le bien – être social.

 

1.1.2. Origine des proverbes

 

L’origine des proverbes est difficile à situer. A ce sujet, J. Vansina écrit : « Dans la plupart des cas, il n’y a pas moyen de déterminer l’époque où un proverbe est né, et on ne pourra donc l’attribuer à une période définie du passé »[5]. La difficulté réside dans le fait que leur naissance est déterminée par les circonstances et leurs divers emplois.

         Toutefois, on  peut dire, sur la base des témoignages des cókwe eux – mêmes, que les proverbes descendent d’une tradition de plusieurs siècles. Ainsi, au début d’un proverbe, les cókwe disent. « Makulwana Kambile ngwo… », « Les anciens ont dit … » la reprise, en exergue de cette citation, permet d’inférer l’origine lointaine  des proverbes. Déjà, l’emploi du passé montre qu’il s’agit de situations vécues par les ancêtres.

 

1.1.3. Caractéristiques des proverbes

 

Les proverbes, sont un genre littéraire populaire, didactique et figé. Ils renferment souvent des éléments archaïques et, ce sont des formes allusives, pleines d’allitérations et d’assonances. Ils constituent, en fait, l’écart entre le langage familier, courant et le langage des sages.

         Ainsi, à ce propos, P.B. Daniel et M. Kahombo notent : « les proverbes possèdent une forme spéciale, différente des phrases ordinaires. Ils expriment sous le couvert d’une forme succincte, imagée et dense, une somme d’idées, de valeurs, de points de vue, de principes, d’observations, d’expériences et de comportements »[6].

         Les proverbes sont aussi anonymes et font partie de la littérature orale. Ils répondent toujours à une fonction. C’est un art pour l’homme, une emprise sur le groupe.

Les proverbes se distinguent des dictons par leur connotation. Tandis que les dictons ne sont pas connotés.

 

1.1.4. Groupes thématiques

 

En examinant les proverbes recueillis auprès des sages cókwe, nous pouvons y dégager plusieurs thèmes différents. Beaucoup ont un signifié commun et traitent souvent les mêmes thèmes malgré la différence qui peut exister entre les situations dans lesquelles les faits se produisent. Ces thèmes sont souvent les suivants : La prudence, l’honnêteté, la patience, le courage, l’amitié, l’indiscrétion, la générosité, l’union, l’aide, la serviabilité, la justice, le conseil, le savoir vivre, …  

         Toutefois, notre étude, portera sur les trois thèmes suivants : la Méfiance  à l’égard des apparences (Thème I), l’Education au sens général, c'est-à-dire des jeunes et des adultes (Thème II) et, enfin, le respect envers les anciens ou les aînés (Thème III).

 

1.2 .Environnement linguistique

1.2.1 Le moment

 

Selon nos informateurs, les proverbes ne sont pas liés à un moment particulier. Ils sont un genre littéraire intemporel, contrairement aux contes. Leur emploi varie en fonction de la situation, de la circonstance et du contexte où ils sont  évoqués, de la personne qui les évoque et  de celle à qui ils sont adressés. Ainsi, les proverbes peuvent être dits à n’importe quel moment et ne  dépendent que du temps de la circonstance. A titre d’exemple, situations d’évocation des proverbes : le manquement à la morale, l’impolitesse, l’ingratitude, les palabres, le manque de bon sens et du bon comportement, etc.

1.2.2. Les formules

Pour débuter un proverbe, le diseur recourt à certaines expressions stéréotypées dont la traduction s’opère avec beaucoup de fidélité. Ces formules didactiques sont réputées être le dépôt de la sagesse des anciens.

1.2.2.1. Formules introductives :

Avant de citer un proverbe, les cókwe disent :

« Makulwana kambile… », « Les anciens ont dit … », ou

« Thushakulu kambile … », « Les ancêtres ont dit… », ou encore

« Kambile ngwo… », « on avait dit que… ».

Ces formules sont alors suivies par la citation du proverbe.

 

1.2.2.2. Formule  finale :

Après avoir dit un proverbe, les cókwe disent :

« Kuta Cishima kucilumbununa nyi wa cilumbunwine ; makulwana unathuka ».

« Dire un proverbe  c’est l’expliquer, si tu ne l’expliques pas ; tu insultes les anciens ». Par cette formule, les cókwe exigent soumission et adhésion à la sentence prononcée et à la tradition véhiculée.

 

1.3. Contexte culturel

 

         Les proverbes, chez les cókwe, jouent un rôle primordial et éducatif. Ils assurent la formation, l’instruction et l’éducation des jeunes gens aussi bien que celle des adultes vivant dans la société cókwe. Ils interviennent dans l’éducation parce qu’ils font appel à la réflexion, à la déduction. Ils sont donc suggestifs.

         « Le proverbe africain, remarque Jacques M., est beaucoup plus qu’une sorte d’épigramme sur la nature ou le comportement de l’homme, ses  penchants ou ses faiblesses. C’est, bien plutôt, une sorte d’axiome social, une présentation sous forme mnémonique des règles et des principes propres à chaque culture »[7].

Il ressort ainsi que les anciens, gardien des us et coutumes de la morale et de la sagesse, ont éprouvé le besoin d’éduquer la jeunesse avec les proverbes. Ils veulent communiquer aux jeunes l’expérience de la vie acquise et développer en eux les qualités utiles à la société. Ainsi les cókwe disent-ils que les proverbes c’est éduquer, c’est construire, c’est le bien-être social, c’est instruire, c’est aussi former et informer.

Les proverbes, chez les cókwe sont également des références, des normes morales, sociales et religieuses en usage chez eux, et il est nécessaire d’observer ces normes pour pouvoir vivre pleinement sa vie d’homme dans la collectivité dont on est membre. Ces considérations nous obligent donc à nous intéresser à cet héritage, légué par les ancêtres et transmis oralement, lequel est nécessaire à la bonne marche de la société. C’est donc en approfondissant ces traditions que nous découvrirons notre  personnalité afin de nous engager sur des nouvelles voies.

 

 

 

 

 

2. Analyse des proverbes cokwe

2.1. Introduction a l’analyse

Dans  son ouvrage « Du sens ou Essais sémiotiques », A. Greimas, se rattache à la conception saussurienne selon laquelle « l’existence de l’expression est considérée comme la condition de l’existence du sens ». Par conséquent, A. Greimas postule un parallélisme entre l’expression et le contenu.

         De la formulation de Hjelmslev, plus élaborée que celle de Saussure, il ressort que tout langage peut être défini comme une forme obtenue par la conjonction de deux  substances différentes ayant chacune une forme propre : la substance de l’expression et celle du contenu.

Ainsi selon Hjelmslev, il y a deux niveau : celui de la forme linguistique qu’il faut considérer sur le plan de l’expression ou du sens phonétique et celui du contenu ou  grammatical. En deuxième lieu, il faut considérer le niveau de la substance non linguistique et celui du contenu ou du sens phonologique, de même que celui du contenu ou du sens sémantique. Comment peut – on alors aboutir à l’explication des proverbes ? Il existe plusieurs possibilités. En ce qui nous concerne, nous avons choisi le niveau de la substance sémantique en partant du signifiant au signifié ou encore de la dénotation à la connotation ; démarche qui traduit le reflet du langage adopté par une  société donnée.

         Dans notre étude, il s’agit du contenu culturel de la Société cókwe.

         Il semble qu’à l’heure actuelle « toute explication ou description du sens n’est qu’une opération de transcodage (…) c'est-à-dire utiliser d’autres mots et d’autres phrases en essayant de donner une nouvelle version de la même chose »[8]. Nous procéderons donc à un système de transcodage sur un corpus de proverbes cókwe groupés autour de cinq thèmes. Intentionnellement, nous en avons réduit le nombre afin de mieux exploiter le contenu signifié de chaque thème en partant des signifiants.

         Dans son essai sémiotique, A. Greimas a inséré une étude sur les proverbes et les dictons[9]. Il s’agit de l’étude de proverbes français où l’auteur découvre un changement d’intonation dans l’énoncé. Comme les langues africaines sont  en général des langues à tons, il y aurait certainement une étude intéressante à entreprendre sur ces mêmes tons et leurs oppositions binaires. Par ailleurs ce système de binarité se retrouve sur d’autres plans : « La structure rythmique binaire des proverbes et des dictons apparaît comme un trait formel distinctif plus général que les dimensions des unités syntaxiques à l’intérieur desquelles ils se réalisent »[10].

Cette considération nous amènera donc à rechercher les éléments d’explication au niveau des phrases de modulation.

         Ainsi, nous notons d’abord par (I) et (II) la coupe de la structure binaire de chaque proverbe. Celui – ci sera traduit littéralement, et plus tard et plus largement, avant une recherche élaborée des connotations.

L’opération suivante consistera à découvrir des oppositions lexicales de répétitions de mots ou de couples oppositionnels de mots.

Pour mieux signaler ces oppositions dans chaque proverbe du « petit » corpus d’un thème nous désignerons de la même manière ces mots. Il s’agit du verbe, du substantif, de l’adjectif et d’autres mots. Ces éléments nous expliqueront l’interprétation que les cókwe donnent à leurs proverbes.

 

2.2. Analyse proprement dite

Présentation du thème I : Méfiance à l’égard des apparences

 

I

II

N°1

Kajila walisaswila

l’oiseau qui piaille

keshi        caswa

n’a pas     de nid

N°2

Puka atenuka

Abeilles qui sont méchantes

eé alîla      wuci

sont celles on mange leur miel

N°3

Wunji wasonde

Multitude de fournis rouges

akwo keshi mazo

certaines n’ont pas de dents

N°4

Kathuthu wahola

L’insecte calme

mwé wasumana

celui qui pique

N°5

Lunga maana

L’homme c’est l’intelligence

hi : cizundamoko

non pas sa taille

N°6

Mukishi haze

Masque à l’extérieur

mukaci muthu

à  l’intérieur la personne

N°7

Kawa watenuka

Chien qui grogne

keshi kusumana

ne mord pas

N°8

Fuka lyahenya haze

Tombeau qui brille au dehors

mukaci muthu hanapolo

au-dedans la personne est pourrie

 

Etude du corpus : Ainsi que cela a été signalé dans l’introduction, les chiffres  romains  I  et  II  indiquent  la  répartition  binaire  rythmique. Nous constatons que la  première  partie des huit  proverbes marquée I  contient encore elle – même  dans les  sept premiers  proverbes  un  parallélisme binaire phonétique : deux mots qui, dans le n° 1-2-5 et 7 contiennent l’assonance/à/ et sont riches euphoniquement:/Kajila/walisaswila-Puka/aténula-lunga/maana-kawa/waténuka./

Eul le proverbe n°8 contient trois mots deux avec l’assonance/a/:/fuka/lyahénya,. La partie II, par contre, présente plusieurs proverbes à trois mots, les n°2-3 et 8. Remarquons en outre que le proverbe n°1 contient l’allitération/s/ dans walisawila, Ce son/s/ étant une imitation du gazouillis de l’oiseau.

Dans les proverbes n°1-4-5 et 6, les éléments syntagmatiques binaires se contrebalancent :

N°1 Kajila walisaswila/keshi caswa

N°4 Kathuthu wahola/mwe wasumana

N°5  Lunga maana/hi : cizundamoko

N°6 Mukishi haze/mukaci muthu

Par contre le proverbe n°8, présente une structure ternaire :

Fuka lyiahénya hâze/mukaci muthu hanapolo

 

2.3. Éléments de la chaine syntagmatique

         Ce petit corpus de huit proverbes nous permet de classer les unités syntagmatiques selon différentes dimensions :

Les dimensions de la phrase

Présence des verbes conjugués

Le N°1 : Kajila walisaswila keshi caswa

Le n° 2 : Puka atémuka éé alîla uci

Le n° 3 : Wunji wa sonde, akwo keshi mazo

Le n°4: Kathuthu wahola  mwe wasumana

Le n° 7: Kawa waténuka  keshi kusumana

Le n°8: Fuka yahénya haze mukaci muthu hanapolo

Seuls les n°1 et 7 ont un équilibre binaire, particulièrement le n°7.

Kawa watenuka keshi kusumana

Les dimensions de la proposition

Présence d’un verbe sous – entendu

Le n°5 : Lunga maana hi cizundamoko

Les dimensions de la proposition sans verbe

Le n°6 : Mukishi haze, mukaci muthu

 

2.3.1. Distribution syntagmatique

Nous désignerons les éléments ou mots de la phrase par le chiffre selon la disposition suivante :

verbe : 1

substantif : 2

adjectif : 3

autres mots : 4

Disposition

 

I

II

N°1

2                                   1

1                    2

N°2

2                                   1

1                    1        2

N°3

2                                   2

3                    1        2            

N°4

2                                   1

4                    1

N°5

2                                   2

4                    2

N°6

2                                   3

3                    2

N°7

2                                   1

4                     1

N°8

2                                   1            3

3                     2        1

         Il convient de constater que dans la deuxième partie, l’ordre des éléments  constitutifs est complètement interverti dans les proverbes n°1 – 6 et 8. Afin de passer à l’interprétation des proverbes, c'est-à-dire le passage du signifiant au signifié  du dénoté au connoté, examinons rapidement la nature des actants : animés (humains  ou animaux) et non animés, ainsi que leur  distribution dans les parallélismes ou les oppositions binaires.

 

I

II

N°1

Oiseau

Animé/animal

Ou A/a

Nid

Non/animé

N/A

N°2

Abeille : A/a

Miel : N/A

N°3

Fournis rouges : A/a

Dents (négation) : N/A

N°4

Insecte : A/a

Action = Ø

N°5

Homme : A/a

Taille : N/A

N°6

Masque : N/A

Homme : A/h

N°7

Chien : A/a

Action = Ø

N°8

Tombeau : N/A

Homme : A/h

 

A= aimé                         A/h = animé homme

N/A = non animé            A/a = animé – animal

Ø = action

         Nous constatons que sur les huit proverbes, six relèvent des animés dans le premier groupe et des non animés ou des actions dans le deuxième.

Il y a donc opposition entre les actants.

Ces indices sont – ils pertinents dans les proverbes cokwe ? L’Analyse va nous éclairer.

 

2.3. Analyse  sémiotique

 

         Il s’agira de passer du signifiant au signifié. Mais une question se pose : est – il possible, au plan sémantique, de découvrir un caractère commun à ces huit proverbes ? Vraisemblablement car leur thème en requiert au moins un, celui de l’apparence  et de la réalité.

         En concentrant l’attention sur les signifiants, on est frappé par le signe du « manque » dans deux proverbes, le « Keshi » : « n’a pas », dans les proverbes n°1 et n°3 et ce « manque » surprend dans la deuxième partie de l’opposition binaire du proverbe, car la première partie dénote une force, au moins en apparence : l’oiseau qui piaille - conséquence : cet oiseau n’a pas  de nid. Dans le n°3 : les fourmis rouges, selon leur signifiant, constituent un grand danger, mais un fait l’atténue, certaines d’entre elles n’ont pas de dents. Que connotent ces détails ? Que dit  la sagesse populaire cokwe ? Remarquons d’emblée que le n° I présente en général  ce qui est apparent et II, la deuxième partie, la réalité.

 

PROVERBE N°1 : Kajila wilisaswila keshi caswa.

L’oiseau qui piaille n’a pas de nid.

Traduction libre : l’oiseau tapageur n’a pas de nid.

Signification des signifiants :

L’oiseau qui piaille s’identifie à une personne qui parle beaucoup d’elle – même, un vantard.

Le nid signifie un « chez soi », une demeure. Ce proverbe s’emploie également  pour faire savoir à quelqu’un qu’on le prend au mot, qu’on le jugera à ses actes

Sens général : Souvent, le bon parleur ne réalise rien ou peu.

Applications

En général : Ce proverbe est lancé à celui qui est prodigue en paroles  et   pauvre en réalisation

En particulier : Ce proverbe est adressé à quelqu’un qui se vante de la   possession de ses biens (maison, voiture…),  qu’il ne possède   qu’en rêve.

 

PROVERBE N°3: Wunji wasonde akwo keshi mazo

                       Multitude de fournitures rouges, certaines n’ont pas de dents.

Parmi la multitude de fournis rouges, certaines manquent de pinces.

- Equivalent de multitude : le nombre, la quantité, l’abondance

Akwo : les autres, certains (amis) camarades. La multitude de fournis rouges désigne la masse, le groupe. Il s’agit donc d’élever d’individus ou de choses. Ne pas avoir de dents, c’est manqué de moyens efficaces de défense. C’est aussi pour une personne : manquer de qualité ou d’intelligence. Mieux vaut la qualité que la quantité.

En général : ce proverbe veut montrer que la qualité vaut plus que la quantité.

En particulier : il est adressé  aux parents qui se vantent d’une nombreuse progéniture. Il veut leur faire comprendre qu’il faut  bien éduquer leurs enfants afin d’éviter que parmi eux se trouvent des incompétents et des vauriens. Deux autres proverbes ces n°6 et 8 ont les signifiants qui désignent l’intérieur et l’extérieur  ou le  dedans et le dehors.

 

PROVERBE N°6 : Mukishi haze mukaci muthu.

                   Le masque à l’extérieur ; à l’intérieur c’est une personne

Le masque est un faux visage que couvre le vrai. C’est l’essence qui est responsable de l’agir. Le masque  ne représente que l’aspect extérieur de la personne, ce qui se voit. Ce n’est donc que le « paraître ». Etre une personne, c’est être doué d’intelligence, c’est aussi être quelqu’un d’abordable, de serviable et possédant des réelles qualités. L’aspect extérieur n’est pas identique à l’essence de l’être. Ce proverbe se dit dans le cas d’une personne qui est très sévère, par exemple, au service, alors qu’à la maison, il est très accueillant  et bon père de famille.

En général ; Ce proverbe conseille de n’apprécier personne sur base de préjugés.

 

PROVERBE N°8 : Fuka lyahénya haze ; mukaci muthu hanapolo

     Tombeau qui brille dehors au-dedans la personne est pourrie.

Comme le n° 6,.Ce proverbe oppose également le dehors au-dedans, mais en sens inverse. Un tombeau extérieurement splendide, mais le contenu est un corps pourri. Le tombeau signifie l’aspect séduisant d’une personne, alors que l’intérieur évoque les vices que peut cacher cette personne. L’aspect extérieur est souvent différent de ce qui est à l’intérieur d’un individu.

         En général : le tombeau qui brille, chez les cokwe, est une personne apparemment correcte, qui dit de bonnes paroles, mais qui en réalité, cache de nombreux défauts. Donc, cette personne agit contrairement à ce qu’elle est en réalité.

         En particulier : Une belle femme qui soigne ses apparences, mais qui, à la maison laisse le lieu en désordre et est incapable de l’entretenir  et d’entretenir ses enfants. Ce proverbe s’adresse aussi à un père de famille qui se conduit en bandit la nuit et qui, pendant le jour, a le comportement d’un bon père de famille. Nous pouvons rapprocher le proverbe n°7 du proverbe n°2 par le fait que ce qui apparaît comme rude, l’est moins en réalité. Il pourrait  également attirer l’attention sur un hypocrite ou une escorte aux paroles mielleuses.

 

 

 

PROVERBE N°2 : Puka atenuka éé alîla wuci

                            Abeilles méchantes ; d’elles on mange le miel.

 

PROVERBE N°7: Kawa waténuka keshi kusumana

                            Chien qui grogne ne mord pas.

Les signifiants « méchantes » et « grogner » sont neutralisés par les faits : on mange le miel des abeilles et ne mord pas

N°2 :

On mange le miel des abeilles méchantes. Ceux qui sont méchants n’arrivent pas toujours à écarter un danger et sont souvent vaincus. Ceux qu’on considère comme méchants, ce sont des gens sévères dans leurs attitudes et peu abordables car ils sont colériques et menaçants. Chez les cokwe ; manger du miel, c’est acquérir du bien sans difficulté. En d’autres mots, c’est remporter la victoire sur l’homme dur. Ceux qui sont apparemment méchants et menaçants connaissent souvent des échecs.

         En général : ce proverbe se dit de ceux qui usent de menaces, se mettent en colère, se croient ainsi efficaces dans l’action, alors qu’ils n’aboutissent pas aux bons résultats.

         En particulier : on remarque souvent que dans les familles où les parents sont très sévères, les enfants se comportement indignement.

N°7 :

Le chien qui grogne ne mord pas. Chez les Cokwe, le chien méchant ou qui aboie symbolise une personne dure, colérique et peu amère. Ne pas mordre signifie être incapable de faire du mal à quelqu’un, ne pas réagir. C’est plutôt être bon. Le méchant n’est pas toujours mauvais. Ce proverbe est lancé aux personnes colériques, dures, menaçantes mais qui ne qui ne font pas de mal.

Il est parfois dit à propos d’une dispute ou d’une menace d’ensorcellement.

Particulièrement, on peut adresser ce proverbe à un jeune sportif brouillard incapable de marquer un but.

 

PROVERBE N°4 : Kathuthu wahola mwe wasumana

L’insecte  qui est calme  c’est lui qui pique.  L’insecte  calme est souvent piquant. L’insecte doux ou calme est une personne apparemment faible. C’est aussi un être sage qui semble incapable de réagir.

Piquer c’est nuire à quelqu’un, faire du mal, mais c’est aussi avoir des réactions violentes. Le doux et le calme sont souvent dangereux et nuisibles. Ce qui paraît doux est souvent redoutable.

En général : Ce proverbe est dit de ceux qui sont considérés comme affables, doux et faibles, mais qui en réalité sont nuisibles à la société. Ce sont les gens qu’on croit fainéants qui accomplissent parfois des choses étonnantes et prodigieuses alors que leur nature ne le laisse pas soupçonner.

En général : Il est aussi  lancé à un jeune homme élégant, mais voleur qualifié ; ou encore, à une personne  qui semble pas avoir  de la valeur, mais qui émet des pensées et des idées géniale. On peut ainsi rapprocher ce proverbe de : « l’habit ne fait pas le moine », « l’apparence trompe », « les eaux stagnantes sont mangeuses d’hommes », etc.

 

PROVERBE N° 5: Lunga ma : na   hi : cizundamoko

                             Homme intelligence, non taille. L’homme c’est l’intelligence non pas sa taille. La valeur de l’homme se mesure à son intelligence et non à sa taille qui n’est qu’un aspect physique. Etre homme, c’est posséder de l’intelligence ou de la sagesse. L’intelligence, chez les cókwe, c’est le savoir-faire, le savoir être et la raison qui font de quelqu’un « un homme ». C’est se comporter  avec réflexion devant les problèmes de la vie.

- La taille, elle, n’est que la stature qu’atteint le corps humain dans sa maturité et son développement. Elle est un élément externe contrairement  à l’intelligence. La valeur de l’homme se mesure à son intelligence non pas à sa taille.

En général, ce proverbe s’adresse à ceux qui jugent les autres selon l’aspect physique. Partant de ce point de vu, ils déterminent leur valeur dans la société alors que la capacité d’agir est indépendante de la taille. Ainsi un ouvrier, petit de taille mais spécialisé, met en marche une machine qu’un géant inculte ne saurait faire fonctionner.

En particulier : il peut, par exemple, être lancé à un garçon de douze ans, qui résoudrait en classe un exercice « compliqué » beaucoup plus vite celui a seize ans et qui échouerait. Les applications de ce proverbe sont nombreuses.

Présentation du thème II : Education

 

 

I

II

N°1

Kasumbi Kanali

La poule mange

koma kanalita nyi muvumbo wenyi

la chose qui convient avec bec

N°2

Keshi kwivwa

Qui n’écoute pas

nyi cenyi kumona

celui – là verra

N°3

Musangala     wenda

La joie           marche

nyi             lamba

avec          le malheur

N°4

Fuji               yikehe

Le vent             petit

yamwanga         wunga

verse                  la farine

N°5

Wazanga wuma

Qui aime l’argile

kawutomema

s’en blachit

N°6

Kulinyenga cishi

Se plaindre pas

kuhwisa yikala

finir les difficultés

N°7

Kwasa jita cipema

Se battre bien

cipi         mathuka

mauvais les injures

N°8

Kooko lyakwata poko

La main qui tient couteau

yalemana     lyene

se blesse elle -même

 

Étude du corpus

         La première partie des huit proverbes contient, dans les six premiers, un parallélisme binaire phonétique : deux mots dans les n°1-3 et 5 contiennent l’assonance/a/. Dans le n°1, les mots contiennent également l’assonance/i/ et ces mots sont euphoniquement riches : - kasumbi/kanali-wazanga/wuma-musangala/wenda.

Les proverbes n°7  contient trois mots qui ont l’assonance/a/, et le n°8 un mot.

Le n°8 contient aussi l’assonance/0/ dans kooko/poko. La partie II présente aussi plusieurs proverbes à deux mots sauf les n°1-2 et 5.

Dans les proverbes n°3, 4 et 6, les éléments syntagmatiques binaires se contrebalancent.

N°3 : musangala wenda/nyi lamba

         La joie marche avec le malheur

N°4 : fuji yukeche yamwanga  wunga

        un petit vent renverse de la farine

N°6 : kulinyenga cishi kuhwisa yikala

Les plaintes ne résolvent pas les problèmes

 

2.3. Éléments dans la chaine syntagmatique

 

Nous pouvons dans ce petit corpus des huit proverbes classer les unités syntaxiques selon différentes dimensions.

La dimension de la phrase : présence de verbes conjugués

Le n°1 : Kasumbi kanali koma kanalita nyi muvumbo wenyi

Le n°2 : keshi kwivwa nyi cenyi kumona

Le n°3 : musangala wenda nyi lamba

Le n°4 : fuji yikehe yamwanga wunga

Le n°5 : wazanga wuma kawutomena

Les dimensions de la proposition avec un verbe à l’infinitif

Le n°6 : kulinyenga cishi kuhwisa yikala

Le n° 7 : kwasa jita cipema, cipi mathuka

 

 

 

2.4. Distribution syntagmatique

Rappel : dans cette étude nous utiliserons les sigles suivants pour désigner les mots : verbe, substantif, adjectif, etc.

 

I

II

Le n°1

2

1

2

1

2

4

3

Le n°2

4

1

4

1

 

 

 

Le n°3

2

1

4

2

 

 

 

Le n°4

2

3

1

2

 

 

 

Le n°5

4-1

2

4

1

 

 

 

Le n°6

1

2

1

2

 

 

 

Le n°7

1

4

4

2

 

 

 

Le n°8

2

1

1

4

 

 

 

 

         Dans le proverbe n°1, l’ordre de deux premiers mots dans les deux parties (I et II) est conservé. C’est un parallélisme de similitude. Dans les autres proverbes, il y a dissemblance.

Nature des actants et leur distribution dans les parallélismes et les oppositions binaires.

 

I

II

n°1

Poule : A/a

Chose : N/A –bec : N/A

n°2

Qui    : N/A

Ø (Action)

n°3

Joie   : N/A

Malheur : N/A

n°4

Vent : N/A

Wunga : N/A

n°5

Argile : N/A

Ø (Action)

n°6

Ø (Action)

Difficultés : N/A

n°7

Ø (Action)

Injures : N/A

n°8

Main : N/A

Couteau : N/A

Elle –même : N/A

 

         Sur huit proverbes, sept relèvent des non – animés (keshi/qui n’a pas ; musangala/joie ; fuji/vent ; wuma/argile ; kooko/main ; poko/couteau) dans le premier groupe, et tous, contiennent des non-animés dans le deuxième.

         Seul le proverbe n°1 contient un animé–animal (Kasumbi/poule) dans la première partie.

         Nous remarquons aussi une opposition dans le n°1 : A/a-N/A. Tandis que dans les n°3-4 et 8, il y a un parallélisme similaire.

 

 

 

1.4. Analyse sémiotique

         Dans cette étude, nous passons du dénoté au connoté, afin de découvrir un caractère commun à ces huit proverbes sur le plan sémantique. Leur thème en présente au moins un, celui de l’éduction. Notre attention est attirée par  la « conséquence », exprimé dans la deuxième partie de l’opposition binaire dans les proverbes n°2-4-6 et 8. La première partie dénote ce qui est bon à faire : tenir un couteau et exprimer des plaintes, ce qui est négligeable : petit vent et l’entêtement.

 

PROVERBE N°1: Kasumbi kanali koma kanalita nyi muvumbo wenyi .

La poule mange la chose qui  convient à son bec. La poule mange ce qui convient à son bec. La poule qui mange, chez les cokwe, s’identifie à une personne qui agit, se comporte ou s’adapte à une situation donnée. La chose qui convient à son bec, c’est les moyens et les possibilités dont on dispose pour réaliser une action ou un projet. Il faut vivre selon les moyens dont dispose ou adapter ses besoins à la réalité de ses possibilités et moyens.

En général : ce proverbe est adressé à ceux qui ne disposent pas de moyens et de possibilités nécessaires mais  entreprennent de grandes réalisations qui aboutissent à l’échec ou au malheur à cause de leur entreprise irréfléchie

En particulier : ce proverbe est adressé également à certains parents qui ont un petit salaire, mais qui veulent manger  et acheter les denrées qui dépassent la valeur de leur salaire. D’autres applications sont possibles dans un contexte similaire

 

PROVERBE N°2 : Keshi kwivwa nyi cenyi kumona

         Qui n’écoute pas celui-là verra. Celui qui n’écoute pas  ne sera pas écouté, c’est rejeter les conseils prodigués par les autres. Celui qui n’écoute pas  est une personne qui  enfreint ce qui lui est défendu. Voir chez les cokwe, c’est vivre l’expérience et connaître des conséquences néfastes. Il faut écouter et suivre ce que les autres disent.

En général, ce proverbe est adressé à ceux qui ne veulent pas suivre les bons conseils prodigués par des autres, à ceux qui négligent et rejettent les directives de leurs supérieurs.

En particulier, il est également lancé à une personne qui se promène chaque fois pendant la nuit, aux heures tardives, malgré les conseils des autres ou des parents et, qui est tué ou blessé par des bandits.

 

PROVERBE N°3 : musangala wenda nyi lamba

         La joie marche avec malheur. La joie est toujours suivie du malheur. La joie est tout plaisir qui emporte une personne jusqu’à lui faire oublier la mauvaise fin qu’elle pourrait connaître. Le malheur, ici, c’est la douleur, la souffrance, la misère ou les ennuis. La jouissance est capable de causer des ennuis à celui qui s’y adonne sans retenue. En d’autres mots, l’excès de bien est nuisible. Il s’agit d’une jouissance irréfléchie qui contraste avec : abondance des biens ne nuit  pas.

En général, ce proverbe est une mise en garde adressée à ceux qui se laissent emporter par la joie, le désir  de jouir ou par le plaisir. C’est un avertissement aux jouisseurs sans réserve est une mise en garde adressée à ceux qui se laissent emporter par la joie, le désir de jouir ou par plaisir. C’est un avertissement aux jouisseurs sans réserve afin qu’ils modèrent leurs caprices.

En particulier, il peut être lancé à une personne ayant la passion de rouler à moto ou en voiture à vive allure, à la longue, cette personne risque un accident mortel. Il s’adresse encore aux gens qui aiment des repas copieux, ignorant ainsi les méfaits de la super – nutrition : l’obésité, indigestion.

 

PROVERBE N°4: Fuji yikehe yamwanga wunga

         Vent petit a renversé la farine. Le petit vent a renversé la farine. Le petit vent, chez les Cokwe, est tout ce qui est négligeable et apparemment petit. C’est une petite cause, un petit fait. Renverser la farine est par contre, un dommage. C’est donc, causer un dégât important.

Une petite cause peut produire un grand effet.

En général, ce proverbe est dit à ceux qui minimisent ou négligent certains faits et certaines choses naturellement petites alors qu’ils peuvent provoquer des malheurs ou occasionner  des misères à quelqu’un.

En particulier, il est aussi aux gens qui souffrent de petits maux de ventre pendant longtemps et qui ne veulent pas se faire soigner, alors que ces maux peuvent avoir de graves  conséquences voire provoquer  la mort à long terme. Il peut être également dit lorsqu’un homme relativement chétif et maigre bat une personne solide au cours d’une bataille.

PROVERBE N°5 : Wazanga wuma kawutomena

         Qui aime l’argile s’en salit. Celui qui veut avoir de l’argile s’en salit. Qui vent l’argile est celui que veut atteindre un but ou un objectif qu’il s’est fixé dans sa vie. Se blanchir d’argile signifie savoir supporter les difficultés et accepter les sacrifices et les exigences qui sont le prix de ce que l’on veut obtenir au cours du cheminement. Si on veut obtenir quelque chose ou atteindre un but, il faut en accepter les exigences

En général, ce proverbe est lancé à celui qui se décourage rapidement et décide d’abandonner projet à la suite des difficultés rencontrées pendant l’accomplissement.

En particulier, il peut être dit par exemple à un menuisier qui veut abandonner son travail après s’être donné un coup de marteau sur les doigts, pendant qu’il assemble une chaise par exemple. Il en est de même pour certains étudiants qui abandonnent leurs études à cause de certaines exigences académiques : discipline, travaux pratiques, interrogations, etc.

 

PROVERBE N°6 : Kulinyenga cishi kuhwisa yikala

                            Se plaindre ne pas finir les difficultés. Exprimer des plaintes n’est  pas un moyen pour résorber ses difficultés. Se plaindre, c’est manifester l’insatisfaction, le regret ou le mécontentement face à une situation donnée. Finir ses difficultés, ici, c’est trouver une solution adéquate, et résoudre  un problème qui se  pose. Ce n’est nullement en se plaignant qu’on trouve de solution à un problème. Il faut plutôt agir et surmonter l’obstacle.

En général, ce proverbe est lancé à celui que se plaint sans cesse de manquer ce qui lui est nécessaire, alors qu’il ne déploie aucun effort pour s’en procurer. Les plaintes ne peuvent pas venir au secours du paresseux.

En particulier, ce même proverbe est adressé aux personnes qui, atteintes de maladie et qui se plaignent dans leur lit au lieu d’aller voir le médecin. A l’école, il est dit d’un élève qui se plaint chaque fois d’avoir mal travaillé, alors  qu’il ne  fournit aucun effort pour s’améliorer.

PROVERBE N°7 : Kwasa jita cipema, cipi mathuka

         Se battre bien mauvais les injures. Mieux vaut lutter que proférer des injures. Lutter, c’est combattre méthodiquement. Il est bon de lutter car c’est un exercice du corps nécessaire pour évaluer la force des adversaires dans la société. Quant aux injures, elles sont mauvaises car elles dépersonnalisent et avilissent l’homme à qui elles sont adressées. C’est aussi un signe de faiblesse, de lâcheté et d’impolitesse .Il faut lutter d’une façon  ou d’une autre au lieu de s’injurier

En général, ce proverbe est dit  pour proscrire les injures dans la société cokwe car elles blessent longuement  la personne insultée. Il est dit à ceux qui lancent les injures aux autres au cours d’un conflit ou d’une dispute.

En particulier : il est dit aux enfants pour qu’ils n’insultent pas leurs parents, leurs amis ou les autres personnes.

PROVERBE N°8 : Kooko lyakwata poko lyalemana lyene

         Main qui teint couteau se blesse elle – même. La main qui tient un couteau se blesse elle – même .La main qui tient un couteau  est une personne qui s’amuse avec un objet dangereux et nuisible. C’est celui qui est en possession de ces objets. Se blesser soi – même  signifie causer du tort ou des malheurs à sa propre personne, se mettre dans la misère. Celui qui a l’habitude de posséder des choses dangereuses se fera mal.

En général, ce proverbe est adressé à ceux  qui gardent chez eux certains objets et certaines choses capables de produire des méfaits à leur égard, ou encore à ceux qui courent un quelqu’un danger à cause de leur négligence ou étourderie.

 Autres cas : il s’adresse aussi à celui qui cohabite avec un malfaiteur. Ce proverbe l’invite à être prudent vis-à-vis de certaines choses et de certaines personnes. Il est dit de celui qui lie amitié avec un voleur et qui finit par faire voler ses propres biens par son ami, voleur.

Présentation du thème III : Respect des anciens ou des aînés

 

I

II

N°1

Khuja pembe Keshi

le bouc ne peut pas

kuhwa maji

manquer graisse

N°2

Mathwe Keshi

Oreilles ne peuvent pas

kuhyana muthwe

dépasser tête

N° 3

Huma yamukulwana

Front de l’adulte

lyahuma yinji

chasse beaucoup

N°4

Kashinakaji wa mukwenu Vieillard d’autrui

kashinakaji we

vieillard à toi

N°5

Saki Jamukulwana Mensonge de l’adulte

jikalu Kuhangulula

difficile à nier

N°6

Thaci ja ngadhu

Force du crocodile

Ku mucila (Ku meya)

à la queue (dans l’eau)

N°7

Cihunda cishi kalamba village sans ancien

kucishi ciyulo

n’a pas conseil

N°8

Kushi Khota

sans cou

kaci muthwe yiwusoka hali ?

alors tête pousserait où ?

 

Étude du corpus

Il est à noter que la première partie (I) des huit proverbes contient, dans quatre proverbes, un parallélisme phonétique : deux mots qui, dans les n°3-4-5 et 6 contiennent l’assonance

/a/ : *Huma/lya mukulwana-Kashinakaji/wa mukwenu-saki/ja mukulwana.

       *Thaci/Ja ngandhu.

Le n°7 contient trois mots dans la première partie, dont deux à assonance /a/. La deuxième partie  présente beaucoup de proverbes à deux mots : n°1-2-3-4-5 et 7, à l’exception des n°6 et 8.

Dans les proverbes n°1-2-3-4-5, les éléments syntagmatiques binaires se contrebalancent, ils contiennent deux mots dans chaque partie.

N°1 : Khuja pembe Keshi/Kuhwa maji

N°2 : Mathwe keshi/Kuhyana muthwe

N°3 : Huma lya mukulwana lyahuma yinji

N°4 : Kashinakaji wa mukwenu/Kashinakaji we

N°5 : Saki ja mukulwana/jikalu kuhangulula

 

        Eléments de la chaîne syntagmatique

Dans ce corpus les unités syntaxiques peuvent être classées selon différentes dimensions :

1) Les dimensions de la phrase : Présence de verbes conjugués

N°1 khuja pembe keshi Kuhwa maji

N°2 Mathwe keshi kuhyana muthwe

N°3 Huma lya mukulwana lyahuma yinji

N° 7 Cihunda cishi kalamba kucishi ciyulo

N°8 Kushi kota kaci muthwe yiwusoka hali ?

2) Les dimensions de la proposition avec un verbe sous-entendu

N°5 Saki ja mukulwana jikalu kuhanguluka

N°6 Thaci ja ngandhu ku micila (ku meya)

3) Les dimensions de la proposition sans verbe

N°4 Kashinakaji wa mukwenu, kashinakaji we

 

Distribution syntagmatique

         Nous désignerons les mots par les chiffres pour signaler les oppositions et les cas de similarité :

Pour le verbe ;

Pour le substantif ;

Pour l’adjectif ;

Pour les autres mots.

 

 

I

II

N°1

2               1

1               2

N°2

2               1

1               2

N°3

2               3

1               4

N°4

2               4

2               4

N°5

2               2

3               1

N°6

2               2

4               2

N°7

2               4

1               2

N°8

4               2

4               2

 

Notons que l’ordre des éléments est inversé dans la deuxième partie : dans les proverbes n°1 et 2. Il s’agit d’un parallélisme inversé : Substantif -verbe/verbe -substantif 1-/2-1. Tandis que dans le proverbe n°4, l’ordre est respecté. Il y a un parallélisme similaire : Substantif -pronom indéfini/substantif -pronom personnel. Dans les autres proverbes, à savoir : 3-5-7 et 8-6, il y a la dissemblance. Natures des actants et leur distribution dans les parallélismes ou les oppositions binaires.

 

 

I

II

N°1 :

Bouc : A/a

Graisse : N/A

N°2 :

Oreilles : N/A

Tête : N/A

N°3 :

Front : N/A

Ø

N°4 :

Vieillard : A/h

Vieillard : A/h

N°5 :

Mensonge : N/A

Ø

N°6 :

Force du crocodile : N/A

Queue :N/A

N°7 :

Village sans ancien : N/A

Conseil : N/A

N°8 :

Cou : N/A

Tête : N/A

 

Nous constatons que sur les huit proverbes, six d’entre eux relèvent des actants non-animés et deux des animés dans le premier groupe, et des non- animés dans le deuxième à l’exception du n°4. Nous remarquons aussi un parallélisme similaire dans les proverbes n°2-6-7-8 et 4 ; tan disque le proverbe n°1 relève d’une opposition.

 

Analyse sémiotique

         Il y a un caractère commun à ces huit proverbes sur le plan sémantique. Leur thème est celui du respect des anciens. Il montre en même temps la suprématie de ces derniers. Les significations qui marquent la subordination et l’autorité sont empruntées en partie aux contours de la tête.

Première partie                                                    Deuxième partie

N°2 : Les oreilles                                                       que la tête

N°8 : Le cou                                                               que la tête

Dans le n°8, le cou soutient la tête, l’inverse du signifiant dans le n°2 où la tête signifie les anciens et dans le n°8, les jeunes.

Première partie                                       Deuxième partie

N°1 : Le bouc : l’ancien                               La graisse : la réserve, la sagesse

N°3 : La sagesse (adulte)                              beaucoup sous-entend difficultés

 

PROVERBE N°1: Khuja pembe Keshi Kuhwa maji

                                Le bouc ne peut pas manquer la graisse

1°Le bouc n’est jamais dépourvu de graisse.

2° Le bouc, chez les cokwe, représente toute personne très âgée. C’est l’ancien, l’aîné de la société ou du groupe. Manquer de graisse c’est accuser un manque de moyens matériels, physiques, intellectuels et moraux. C’est aussi l’absence de qualité, parfois même de possession. Donc malgré son âge et son aspect physique, un vieux ne manque pas de qualités appréciables dans la société.

3° un vieux n’est jamais pris au dépourvu.

En général, ce proverbe est lancé pour pousser les jeunes à respecter les anciens et à leur rendre hommage. Il invite à recourir à eux en toutes circonstances car ils interviennent d’une façon ou d’une autre dans les besoins des jeunes tant sur les plans matériels, moral qu’intellectuel.

En particulier, ce même proverbe est dit de celui qui est en difficulté ou qui a des problèmes insolubles. On le conseille d’aller consulter les vieux afin d’obtenir leur secours.

 

PROVERBE N°2: Mathwe Keshi Kuhyana muthwe

         Les oreilles ne peuvent pas dépasser la tête. Les oreilles signifient les jeunes gens, les personnes inférieures aux anciens. Autrement dit les enfants. Tandis que la tête est une personne âgée et adulte. Dépasser la tête, c’est se croire plus intelligent qu’un adulte et désobéir à ce qu’il dit.  En aucun cas, les cadets ne peuvent se montrer plus intelligents et plus sages que les aînés.

En général, ce proverbe est dit aux jeunes gens qui croient tout savoir et veulent voler de leurs propres ailes, aux jeunes gens qui pensent qu’ils n’ont pas besoins de personnes âgées dans leur vie. Ceux qui veulent agir sans obéir aux consignes données par les adultes. Ce proverbe les invite à être toujours sous les ordres des anciens.

En particulier, ce proverbe est adressé à ceux qui font tout d’eux-mêmes et décident sans consulter leurs parents, ce malgré les conseils que ces derniers leur prodiguent. Nous pourrions rapprocher le proverbe n°7 du n°2 par le fait que les jeunes et autres membres de la communauté doivent être dépendants des anciens, et aussi reconnaître leurs droits et l’autorité morale qu’ils ont sur eux. C’est la formation des jeunes à l’humilité.

 

PROVERBE n°7 : Cihunda cishi kalamba, kucishi ciyulo.

1. Un village sans ancien n’a pas de conseil.

2. Un village sans ancien est une communauté, une société, une assemblée ou un groupement sans guide. C’est une entité de jeunes gens sans expérience. Ne pas avoir de conseil c’est manquer de qualités ou de normes nécessaires au progrès, à la bonne marche et au bien être de la communauté.

3. Une communauté constituée de jeunes seuls manque d’ordre et de morale.

 En général, ce proverbe est adressé aux jeunes qui veulent réaliser eux-mêmes des projets sans assistance de leurs supérieurs. Ce sont ceux qui bafouent l’autorité des anciens et les haïssent.

En particulier, ce proverbe est lancé à ceux qui écartent les personnes âgées de la société, se moquent d’elles et les ridiculisent.

 

PROVERBE n°3 : Huma lya mukulwana lya huma yinji.

1. Le front de l’adulte chasse beaucoup.

2. Le front de l’adulte, c’est les Cokwe, représente la présence d’une personne âgée parmi les jeunes dans une situation donnée. C’est aussi être en compagnie d’un adulte ou d’un supérieur. « Chasser beaucoup » sous-entend : Chasser beaucoup de choses et signifie résoudre et savoir arranger les problèmes. Là où un adulte est, tout se passe correctement.

3. La présence d’une personne âgée est nécessaire dans la résolution des difficultés.

 En général, ce proverbe est adressé à celui qui fait tout sans demander l’assistance de ses supérieurs et qui se heurte aux difficultés ou à l’échec alors qu’il aurait pu les surmonter s’il était accompagné d’une personne plus âgée et plus sage.

En particulier, il est dit à un jeune homme qui est bien servi lorsqu’il est en compagnie d’un adulte alors qu’il ne le serait pas s’il était seul. C’est le cas des fiançailles, chez les cokwe, si on veut l’accord des parents de la fille, il faut être avec eux.

 

PROVERBE n°4 : Kashinakaji wa mukwenu, kashinakaji wê.

                            Le vieux d’autrui, le vieux  à toi.

1. Le vieillard d’autrui est aussi ton vieillard.

2. Un vieillard d’autrui est une personne âgée des autres familles. C’est n’importe quel adulte de la société. Ton vieillard c’est toute personne âgée appartement à la famille, au clan ou à la tribu.

3. Il faut respecter tous les adultes comme on respecte les siens.

 En général, ce proverbe est adressé à un jeune homme impoli et affichant un comportement insolent envers les adultes inconnus pour l’inviter à les respecter parce qu’ils sont plus âgés que lui. C’est surtout à un enfant qui injurie et se moque des aînés et des étrangers à sa famille qu’il concerne.

 

PROVERBE n°5: Saki ja makulwana jikalu kuhangulula

         Le mensonge de l’adulte, difficile à nier.

1. Le mensonge d’un adulte est toujours difficile à désapprouver.

2. Le mensonge d’un adulte c’est la parole trompeuse d’un supérieur et son manque de sincérité ou de vérité. Difficile à désapprouver signifie accepter inconditionnellement. Donc, on croit tout ce qu’un adulte dit à cause de l’autorité dont il est investi.

3. Tout ce qui est dit par un ancien doit toujours être accepté par les jeunes.

 En général, ce proverbe est dit pour inviter les jeunes à respecter les paroles des anciens afin de sauvegarder leur honneur.

En particulier, Il est adressé à un jeune homme qui s’oppose toujours aux aînés, à celui qui détruit les arguments avancés par un adulte en public lorsqu’il remarque le manque de vérité de ce qu’ils disent.

 

PROVERBE N°6 : Thaci ja ngandhu ku mucila (ku meya)

         La force du crocodile à la queue (dans l’eau).

1. La force du crocodile se trouve à la queue (dans l’eau).

2. Le crocodile symbolise une personne agissant et accomplissant une réalisation. Sa force c’est la capacité d’agir pour arriver à un but supposé difficile pour certains. La queue (l’eau) s’identifie au soutien ou au support. Elle représente, ici, les anciens, les aînés ou les parents. Elle est aussi les moyens efficaces dont on dispose.

3. Pour poser aisément un acte, il faut avoir un appui.

En général, ce proverbe se dit pour justifier les actes posés par certaines personnes. Il se dit pour inviter les gens à penser à un soutien pour faire aboutir un projet ou une entreprise.

En particulier, il peut être lancé à celui qui fait un projet se rapportant à la situation dans laquelle il vit.

 

PROVERBE N°8 : Kushi khota kaci muthwe yiwusoka kali ?

         Sans cou alors la tête où pousserait-elle ?

1. où pousserait la tête si le cou n’existait pas ?

2. le cou, chez les cokwe, signifie les anciens, les aînés et les parents, ou le soutien en général.

La tête ce sont les jeunes gens ou les enfants. Que serait l’avenir des jeunes ou des cadets si les adultes n’étaient pas là ? Ceci entraîne, donc un respect des aînés de la part des jeunes. Le cou représente l’expérience, un peu comme pour répondre en écho à « Expérience passe connaissance » ou encore à « Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait ». Les cadets connaissent leur bien-être grâce à l’intervention des adultes.

En général, ce proverbe est lancé à celui qui est ingrat et impoli en vers ses parents et ses supérieurs qui l’ont initié à la vie.

En particulier, il peut être adressé à un étudiant qui se moque de ses professeurs et les ridiculise après avoir terminé ses études et obtenu un poste qui lui procure plus d’argent.

 

 

 

Conclusion

 

Les cokwe possèdent une langue riche et un grand répertoire de proverbes, de contes, de légendes, de chants… qui illustrent nettement la physionomie de leur société et des règles qui régissent leur vie sociale, ainsi que des penchants, comportements, joies, tristesses et aspirations qui les animent.

Malgré sa simplicité, la littérature orale reste une donnée essentielle dans toutes ses généralités, et d’une importance dans la vie culturelle du cokwe.

L’importance de cette littérature réside en ce que les proverbes jouent un rôle didactique et moralisant. Chaque fois qu’est évoqué un proverbe, il y a transfert aux jeunes et aux autres d’un enseignement culturel. Ne possédant pas d’écoles, à l’instar de celles que nous connaissons aujourd’hui, les anciens et les parents usent de proverbes dans la société traditionnelle pour enseigner les valeurs culturelles, valeurs qu’ils veulent voir sauvegardées et perpétuées. Parmi les genres de la littérature orale, le proverbe est le genre le plus populaire et le plus riche car il en existe de milliers. Cette richesse même est une indication de l’importance sociale du proverbe : Le terme de sagesse de la nation est ici bien justifié.

Il en résulte donc un intérêt et une nécessité pour les jeunes chercheurs à recueillir et à approfondir ce précieux trésor légué par les ancêtres et par lequel nos parents et nos aînés nous transmettent la sagesse et les enseignements de nos prédécesseurs.

Notre tâche est de contribuer à la revalorisation de ces valeurs traditionnelles fondamentales, nécessaires à l’édification d’un monde moderne. Il nous faudra donc, à tout prix, sauvegarder ce patrimoine culturel.

Prenons-en donc conscience en nous familiarisant avec les proverbes afin de sauver la littérature orale qui risque de sombrer dans la décrépitude et de tomber en désuétude. Et cela avant que ne s’éteignent les sages, gardiens fidèles de la tradition ; car chaque fois qu’un vieillard meurt, c’est toute une bibliothèque qui est détruite, dit-on !

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] NGANDU Nkashama, P., Analyse sémantique de la métaphore poétique, Lubumbashi, Celta, 1977, p.67.

[2] MUFUTA, Littérature orale et authenticité, dans JIWE 2(1973), p.25.

[3] ROBERT,  Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Le Robert, 1970.

[4] RODEGEN, F.-M., Sagesse kirundi, Tervuren, M.R.A.C., 1961, p.22.

[5] VANSINA, J.,  De la tradition orale, essai de méthode historique, Tervuren, M.R..A.C., 1961, p.122.

[6] DANIEL, P.-B. et KAHOMBO, M., Anthologie de la littérature orale nyanga, Bruxelles, Académie Royale des Sciences d’Outre-Mers, 1970.

[7] JACQUES, M. et alii, Proverbe, dans  Dictionnaire des civilisations africaines, Paris, Nathan, 1968.

[8]GREIMAS, A.-J., Du sens ou Essais sémiotiques, Paris, Seuil, 1968, p.43.

[9] Ibidem, p. 309-314.

[10] Ibidem, p. 312.