Pr E. Banywesize vient de publier un livre sur Edgar Morin : http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=24655

Ceux qui se plaisent aux violences et à la guerre répètent aux fantassins qu’il ne suffit pas d’être suréquipé militairement pour remporter une guerre, il faut avoir aussi la volonté de se battre et se battre avec volonté. Est-ce à dire qu’à défaut d’avoir les moyens de sa politique, il importe de savoir faire à la politique de ses maigres moyens ? En divorçant d’avec les discours plaintifs, le centre universitaire qui offre ici son premier numéro de revue scientifique nous invite à méditer cet aphorisme : la crise est inventive. La jeunesse et la situation matérielle du centre universitaire de Kasumbalesa contraste aujourd’hui avec perspicacité, la richesse et la diversité des articles servis dans cette livraison. Encore est-il que les matières qui se croisent en ce numéro s’origine dans diverses crises et sont circonscrites par l’esprit du temps de leurs prétextes. Autant dire que les cinq textes sont donnés avec toutes leurs prémices et toutes leurs prémisses.

An.cuksa vol. I N°1(2007), p. 3-5.
 
EDITORIAL
 
AURORE.
ON RECONNAIT L’ARBRE A SES FRUITS
 
       Le sérieux d’un établissement d’enseignements supérieurs et universitaires ne se juge pas seulement à l’aune du nombre de ses enseignants et de ses étudiants ou du nombre des diplômes délivrés annuellement, mais aussi et surtout des recherches qui s’y effectuent et dont les résultats sont diffusés au moyen des apparats scientifiques : symposium, colloques, journées scientifiques, périodiques, etc. L’établissement d’enseignements supérieurs et universitaires est certes un lieu de transmission des savoirs, mais avant tout celui de leur production. C’est un lien commun, certes. Mais la dégradation exponentielle des conditions matérielles d’existence en notre pays, ces dernières décennies, et celles des conditions financières de recherche en nos universités ayant contribué à réduire l’universitaire au moniteur, sinon au lutteur pour la survie individuelle et familiale, l’évidence n’est plus telle. Pourtant, c’est à ses fruits que l’on reconnaît l’arbre. Et de nos jours les connaissances scientifiques ne sont plus produites et banquées à un seul lieu, en l’occurrence l’Occident.
       Au cours de ces quatre derniers siècles, la science avait son foyer et ses périphéries, respectivement l’Euramérique et le reste du monde. Désormais l’énonciation épistémologique et méthodologique qui organise la science est proférée à partir d’un lieu ici-ailleurs-partout. Ce faisant, la science se construit de partout, grâce aux apports des penseurs et universitaires de tous les continents. Ainsi l’on ne peut faire grief aux responsables du Centre Universitaire de Kasumbalesa, créé par l’Université de Lubumbashi pour résoudre le problème de surpeuplement des amphithéâtres, de ne l’avoir guère compris. Par les Annales qui offrent ici leur premier numéro, ce centre universitaire veut s’exister, se manifester à l’existence en tant qu’espace de production des connaissances enseignables et actionnables. Par ce premier numéro, il s’affirme comme existant et refuse ainsi, du moins pour l’instant et Dieu seul sait jusque quand, de disparaître, en dépit des vicissitudes qui jonchent son parcours de nouveau-né. Il veut s’offrir comme un espace où des chercheurs et des enseignants-chercheurs discutent et participent, diversement, au débat d’idées dans la culture scientifique et philosophique contemporaine. En tout, il veut être un de ces centres, où se construit la science nouvelle à mesure des défis du monde complexe pour une nouvelle anthropophanie, comme dirait Prince Kaumba Lufunda.
       Ceux qui se plaisent aux violences et à la guerre répètent aux fantassins qu’il ne suffit pas d’être suréquipé militairement pour remporter une guerre, il faut avoir aussi la volonté de se battre et se battre avec volonté. Est-ce à dire qu’à défaut d’avoir les moyens de sa politique, il importe de savoir faire à la politique de ses maigres moyens ? En divorçant d’avec les discours plaintifs, le centre universitaire qui offre ici son premier numéro de revue scientifique nous invite à méditer cet aphorisme : la crise est inventive. La jeunesse et la situation matérielle du centre universitaire de Kasumbalesa contraste aujourd’hui avec perspicacité, la richesse et la diversité des articles servis dans cette livraison. Encore est-il que les matières qui se croisent en ce numéro s’origine dans diverses crises et sont circonscrites par l’esprit du temps de leurs prétextes. Autant dire que les cinq textes sont donnés avec toutes leurs prémices et toutes leurs prémisses.
       Dans Quelle éthique du travail à l’ère de la mondialisation ?, Louis Mpala relève que la mondialisation actuelle appelle une réflexion et un plaidoyer pour une nouvelle éthique du travail : l’« éthique humano-écologique » qui tienne en compte la complexité de l’homme et de la nature. Si l’avènement de cette éthique est subordonné au changement du regard vers l’homme en tant qu’être-pour-le-travail, l’auteur espère cependant qu’elle est adaptée à notre époque préparée surtout par les exploits de la science moderne. Cette science mobilise les réflexions d’Emmanuel M. Banywesize dans Science prométhéenne et désenchantements des sociétés humaines, réflexion à partir de l’œuvre d’Edgar Morin. La démonstration des désenchantements des sociétés humaines par la science classique, trop prométhéenne, sert de tremplin à l’auteur pour plaider, dans le sillage de la pensée d’Edgar Morin, pour la promotion de la « Scienza nuova », la science du complexe. Celle-ci invite les hommes à se déprendre de toute vanité triomphaliste et possessive du monde en présence du flot des complexités du monde et de toutes réalités connaissables.
       Texte aux allures du déjà lu, L’échange inégal entre ville et campagne comme cause de la pauvreté des paysans en République Démocratique du Congo de Muganza Beya rappelle que les termes de l’échanges et la politique agricole jouent en défaveur des campagnes congolaises et des paysans. Pour leur survie, ceux-ci choisissent la voie de l’exode rural, fléau contre lequel l’auteur tente de proposer quelques solutions. A la faveur du texte intitulé Le précompte « BIC » : évaluation d’une réforme, le même auteur évalue le précompte « BIC » que l’Etat congolais a institué sur l’impôt appliqué aux bénéfices industriels et commerciaux. Il arrive à la conclusion que ce précompte n’a pas obtenu les résultats escomptés, et qu’il est souhaitable que le contribuable s’acquitte de la totalité de ses impôts. L’on peut espérer que ce texte ne soulèvera pas les critiques des opérateurs économiques et des contribuables.
       Pour sa part, Mpungu Mulenda esquisse le profil du journaliste de la troisième république congolaise. Et puisqu’il est peut-être difficile en ce pays de quitter l’ordre des souhaits, il est souhaité que le journaliste de la troisième république congolaise œuvre pour la promotion de l’espace public de libre discussion gage de (re)construction de la société où les hommes vivent en communion et développe une communication dialogique, dont les caractéristiques sont données par l’auteur.
       Dans La parémiologie cokwe : étude analytique, c’est à la promotion de la littérature orale d’un des peuples du Katanga (R.D. Congo) que se livre Simon Kayembe et ses collègues. Ils sont convaincus qu’au nombre des legs négro-africains à valoriser à l’ère de la construction d’un nouvel universel, il y a les proverbes qui jouent un rôle didactique et moralisateur. On peut espérer que c’est à dessein qu’ils ont ignoré les études critiques précédemment réalisées entre autres par les philosophes Njoh Muele, Misenga Kongolo et Okolo Okonda ; ce qui leur aurait permis d’orienter, par rapport à l’état de la question, cette étude autrement.
       Mais… enfin, dirait Julien Kilanga, il y a deux façons de lire un texte. L’une consister à y chercher ce que l’on sait ou ce que l’on veut y trouver. L’autre cherche à comprendre l’objet, la question centrale que l’auteur fait siens dans l’étude et la façon dont il s’efforce d’y répondre. C’est la moins mauvaise façon de lire un texte. Cette posture intellectuelle est peut-être celle qu’il convient d’adopter par rapport à ces textes. Ainsi, il me revient à l’esprit que le dialogue entre Electre et la femme Narsès est bienvenu pour caractériser la naissance de ces Annales du Centre Universitaire de Kasumbalesa, Extension de l’Université de Lubumbashi. « « Comment cela s’appelle-t-il quand tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entretuent, mais que les coupables agonisent dans un coin du jour qui se lève ? ». « Demande au mendiant. Il le sait », répond Electre à la femme Narsès. « Cela a un très beau nom, femme Narsès, dit le mendiant. Cela s’appelle l’aurore ».
 
Par Emmanuel M. Banywesize
Enseignant à l’Université de Lubumbashi
Chercheur Associé au CETSAH/Paris