Une autre question que soulève cette implication, s’agissant plus particulièrement du contrôle, c’est la forme que pourrait revêtir ledit contrôle. Pour certains, l’implication l’est en termes d’un contrôle externe. Pour d’autres, il s’agit plutôt d’une implication interne au processus de la réforme. C’est-à-dire, participer en tant qu’acteur ou artisan contribuant à l’avancement et à l’édification de l’architecture sécuritaire aux côtés d’autres acteurs.

Il faut dire qu’un problème que pose une participation externe, c’est de conférer à la Société Civile en tant qu’appendice de la population un simple rôle réactif, celui de critiquer, ou pour mieux dire, celui d’attendre que le mal soit commis pour enfin constater les dégâts et pouvoir en dénoncer les préjudices après. Alors que dans une participation interne, le risque c’est que l’on ampute au processus de réforme, un agent naturel de contrôle démocratique qu’est la Société Civile. On fait d’elle la complice en l’associant à des structures ou institutions à réformer. Dans ces conditions, il y a lieu de voir les services réformés évoluer sans aucune surveillance populaire. Et en l’occurrence, sans qu’aucune action de monitoring et d’évaluation ne soit initiée, sans qu’aucune dénonciation ne soit faite en cas des dérapages. On assisterait alors à une réforme se présentant comme un véhicule sans véritable contrôleur et sans signal d’alarme en cas de danger.

Ceci dit, la RD Congo a entamé une réforme générale de son secteur sécuritaire. Il est temps que l’on jette un regard rétrospectif sur ce qu’ont été les péripéties de l’implication de la Société Civile de la RDCongo dans le processus de ladite réforme. A titre illustratif, on se limitera à un secteur particulier de l’appareil sécuritaire congolais, la police nationale congolaise, elle qui semble avoir bénéficié d’une très importante implication de la Société Civile ce au regard des séminaires ateliers organisés à ce sujet à travers le pays et en termes du volume de travail y consacré.

 

L’IMPLICATION DE LA SOCIETE CIVILE DANS LE PROCESSUS DE REFORME DE LA POLICE EN RDCONGO

Par TSHINYAMA Kadima Ildephonse  et JOE SANDUKU

 

TSHINYAMA Kadima Ildephonse, Docteur en Criminologie, il est enseignant et chargé de recherche à l’Ecole de Criminologie de l’Université de Lubumbashi. Expert en sociologie policière, dans les études qu’il mène, il tente de comprendre les pratiques policières en contexte congolais. La thèse qu’il défendue en novembre 2009 porte le titre : « L’observation ethnographique d’un commissariat à Lubumbashi. Une compréhension des pratiques policières en contexte congolais ».

Tél. 00243 81 27 33 753

E-mail : ildetshinyama@hotmail.com

 

Joe SANDUKU est Assistant de recherche attaché au CEFOCRIM (Centre de Formation en Criminologie et droits humains) de l’Ecole de Criminologie de l’Université de Lubumbashi, Point Focal National du Réseau congolais pour la Réforme du Secteur Sécuritaire et Expert au Comité de Suivi sur la Réforme de la Police.

Tél. 00243 81 03 47 742

E-mail : jossand2002@gmail.com

               Jossand2002@yahoo.com

                                                                                                                                                                                          

Introduction générale

Il est certes vital qu’un Etat se dote d’un appareil sécuritaire efficace afin d’assurer la sécurité de ses citoyens et de ses frontières. Mais il est tout aussi important que ledit Etat atteigne l’objectif ultime auquel doit aspirer tout Etat qui se veut moderne, celui d’être un Etat de droit. Il transparaît donc que la gestion de la sécurité doit se conjuguer avec le respect des normes universelles des droits humains et de bonne gouvernance. D’où le rôle combien délicat de contrôle que doit jouer la Société Civile afin de maintenir l’équilibre nécessaire entre d’une part les visées sécuritaires légitimes à chaque Etat et, d’autre part, celles de respect des droits humains.

Et on le sait, dans une perspective démocratique, l’une des exigences des réformes des institutions publiques notamment la réforme des services de sécurité, par exemple, demeure l’implication de la population dans ledit processus. Et autant de concepts traduisent cette participation. On parle notamment de l’appropriation, du contrôle démocratique, de la redevabilité, de la bonne gouvernance dans la sécurité, de la transparence…

Si tout ceci réfère à l’idée de voir la population prendre une part active au processus de réforme, il n’en demeure pas moins vrai que le rôle à jouer et la place réelle que cette dernière doit occuper afin de faire correspondre la réforme à ses objectifs et/ou besoins sécuritaires réels reste moins une garantie acquise d’emblée.

Une autre question que soulève cette implication, s’agissant plus particulièrement du contrôle, c’est la forme que pourrait revêtir ledit contrôle. Pour certains, l’implication l’est en termes d’un contrôle externe. Pour d’autres, il s’agit plutôt d’une implication interne au processus de la réforme. C’est-à-dire, participer en tant qu’acteur ou artisan contribuant à l’avancement et à l’édification de l’architecture sécuritaire aux côtés d’autres acteurs.

Il faut dire qu’un problème que pose une participation externe, c’est de conférer à la Société Civile en tant qu’appendice de la population un simple rôle réactif, celui de critiquer, ou pour mieux dire, celui d’attendre que le mal soit commis pour enfin constater les dégâts et pouvoir en dénoncer les préjudices après. Alors que dans une participation interne, le risque c’est que l’on ampute au processus de réforme, un agent naturel de contrôle démocratique qu’est la Société Civile. On fait d’elle la complice en l’associant à des structures ou institutions à réformer. Dans ces conditions, il y a lieu de voir les services réformés évoluer sans aucune surveillance populaire. Et en l’occurrence, sans qu’aucune action de monitoring et d’évaluation ne soit initiée, sans qu’aucune dénonciation ne soit faite en cas des dérapages. On assisterait alors à une réforme se présentant comme un véhicule sans véritable contrôleur et sans signal d’alarme en cas de danger.

Ceci dit, la RD Congo a entamé une réforme générale de son secteur sécuritaire. Il est temps que l’on jette un regard rétrospectif sur ce qu’ont été les péripéties de l’implication de la Société Civile de la RDCongo dans le processus de ladite réforme. A titre illustratif, on se limitera à un secteur particulier de l’appareil sécuritaire congolais, la police nationale congolaise, elle qui semble avoir bénéficié d’une très importante implication de la Société Civile ce au regard des séminaires ateliers organisés à ce sujet à travers le pays et en termes du volume de travail y consacré.

Outre cette brève introduction, la présente monographie s’articule ainsi autour de deux chapitres à savoir :

I. Le processus de réforme de l’appareil policier en RDCongo

Sont traités sous ce point les aspects ci-après :

-          Des enjeux de l’institution policière en RDCongo (section I) ;

-          Le contexte général de l’émergence de la réforme des services de sécurité en RDCongo (section II) ;

-          La doctrine de la réforme de la police nationale congolaise (section III) ;

-          Les phases de la réforme de la police nationale congolaise (section IV) ;

-          Les grandes étapes du processus de réforme (section V) ;

-          Des acteurs de la réforme de la police (section VI).

II. La société civile de la RDCongo et la réforme de la police, chapitre que nous abordons sous deux points :

-          L’aperçu général de la Société Civile de la RDCongo (section I) ;

-          De l’implication et de la contribution de la Société Civile au processus de réforme de la PNC (section II).

Enfin, une conclusion générale boucle cette monographie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre premier : Le processus de réforme de l’appareil policier en RDCongo

            Avant de circonscrire le contexte actuel de l’émergence de la réforme des services de sécurité en RDCongo, la doctrine de la réforme, les différentes étapes du processus de réforme et les acteurs impliqués, faisons un tour d’horizon des enjeux de l’institution policière en RDCongo comme point d’ancrage d’une compréhension générale de ce qu’ont été les visages de l’appareil policier que l’on se propose de réformer à nos jours.

 

Section I. Des enjeux de l’institution policière en RDC

Nous commençons par un tour d’horizon sur les enjeux de l’institution policière en RDCongo. Ensuite, nous reprenons la doctrine de la réforme de la police et les différentes étapes du processus de réforme avant d’identifier les acteurs de la réforme.

Il sera question à ce point de circonscrire les enjeux coloniaux de l’institution policière en RDCongo avant d’analyser l’évolution de l’institution policière ce de l’indépendance à nos jours.

            Partons du constat que fait Marc-Antoine Pérouse De Monclos (2008, 11) de la police en tant qu’objet d’étude. L’auteur remarque sans équivoque que la police demeure fort peu prisée des chercheurs. Et si, poursuit l’auteur, la police occidentale a ses spécialistes, celle du sud ne retient guère l’attention des sciences sociales.                                                  Ouvrons cette parenthèse en affirmant que ce constat fait par l’auteur est d’autant vrai pour la RDCongo où c’est à peine que des chercheurs extérieurs et policiers, ceux de la jeune Ecole de Criminologie de l’Université de Lubumbashi, commencent à constituer petit à petit un savoir sociologique de la police. Et s’agissant, par exemple, des aspects historiques de la police au Congo, la seule référence en la matière demeure Kaumba Lufunda (2006) dont le cours d’histoire et organisation de la police est depuis dispensé à ladite Ecole et dont nous nous inspirons.

Ceci dit, dans les lignes qui suivent, nous commençons par dégager ce qui paraît représenter, à chaque époque de l’évolution de la RDC, des enjeux autour desquels se sont façonnés les différents visages de la police.             D’entrée de jeu, Marc-Antoine Pérouse De Monclos, observe que les polices du sud représentent un rouage fondamental et régalien du pouvoir (2008, 11). Ainsi, estime-t-il, chercher à comprendre ces polices là revient à explorer les fondements même de l’Etat. Et s’agissant plus spécifiquement des polices qu’il nomme « tropicales » et qu’il qualifie d’appareil coercitif des républiques dites « bananières », c’est-à-dire celles des régimes autoritaires, corrompus, prédateurs, criminels, leur analyse exige que l’on s’interroge sur la fragilité des Etats concernés.                                                                             Il transparaît de cette analyse que la notion même de police est consubstantielle à celle de l’Etat. Mais l’évolution de la police se situe dans un champ à deux pôles : l’Etat et le local sans qu’une ligne rouge n’en vienne à tracer la démarcation. Et dans le temps, la force des idéologies politiques dominantes, la force des incidents sociaux ou la force événementielle la font basculer, dans ses interventions, vers l’un ou l’autre des deux pôles qui loin de s’exclurent, en constituent sa réalité même, c’est-à-dire celle d’être aussi mouvante pour plus d’adaptabilité. Deux notions constituent pour ce faire des idéologies qui fondent l’action policière : ordre public et sécurité. Ces deux idéologies déterminent la forme d’organisation policière.                                                                                                                                           Il nous paraît utile de considérer l’éclairage qu’apportent les propos de Loubet Del Bayle(2006, 94) à ce sujet : Une organisation de la police centralisée, soutient-il, fortement hiérarchisée, militarisée, caractérisée par un certain isolement social, sera en général plutôt révélatrice d’une situation de faiblesse des soutiens sociétaux du système politique, les traits inverses - tendance à la décentralisation, à la «  civilianisation », à l’intégration sociale de la police - traduisent plutôt la force de la légitimité sociétale du système politique.                               Il faut donc remarquer, selon l’auteur, que lorsqu’à la base de l’institution d’une police président les seules préoccupations du pouvoir, il y a tendance à la centralisation de la police. Et aux préoccupations sécuritaires sociales correspond la tendance à la décentralisation de la police, c’est-à-dire à une police à fort ancrage local. Mais lorsque les préoccupations sont conjuguées pouvoir-société, on assiste à l’émergence d’une police dite plurielle ; celle qui concilie centralisation et décentralisation.                                                                                         Ceci étant, voyons, dans le cas de la RDC, comment ces différentes préoccupations ou enjeux ont contribué à façonner les divers corps de police que le Congo a connu. Deux moments de l’histoire nous intéressent : la période coloniale et la période post coloniale. Nous tenons encore à le préciser, dans l’exposé ci-dessous, tout en ne reprenant pas l’intégralité du cours de Kaumba Lufunda (2006), l’essentiel de ce que nous présentons ci-dessous y est tiré et est appuyé par une littérature de sociologie policière.

 

 

§.1. Les enjeux coloniaux de l’institution policière en RDCongo

Deux faits marquent l’évolution des missions policières :                                       Léopold II crée par le décret du 5 Août 1888 la Force publique, une institution militaire ayant pour missions l’occupation et la défense du nouvel Etat Indépendant du Congo, une propriété acquise après l’acte de Berlin de 1885 et qui consacre le partage de l’Afrique entre les puissances occidentales de l’époque. C’est cette même force publique en tant qu’armée qui se charge des missions de police. C’est donc une force de conquête et d’occupation du territoire. Raisons pour laquelle, elle regorge en son sein, non pas des congolais, mais des mercenaires d’autres nationalités.                                                                                                        Il faudra attendre après 1908, lorsque le Congo cesse d’être propriété privée de Léopold II afin de devenir une colonie belge, pour que les missions de la nouvelle armée soient clairement définies. Ainsi, le décret du 10 mai 1919 redéfinit les missions de la jeune armée en ces termes :                                                                                                                                    1°) assurer l’occupation et la défense du territoire colonial ;                                               2°) maintenir la tranquillité et l’ordre public ;                                                                      3°) prévenir les infractions ;                                                                                                       4°) surveiller et assurer l’exécution des lois, décrets, ordonnances et règlements, spécialement ceux relatifs à la police et à la sûreté générale.                                                  On en est là encore au schéma léopoldien, celui d’une armée qui assure les missions de la police.

Et comme pour se démarquer de la forme léopoldienne, par décret du 22 mars 1927, le pouvoir colonial belge introduit la distinction entre les missions purement militaires et celles purement policières. Sont alors institués deux corps au sein de l’armée : les troupes campées et les troupes en service territorial. Les premières s’occupent des missions militaires tandis que le deuxième corps veille à l’ordre intérieur et donc, assure les missions policières. Et le même décret institue des corps de police municipale dans les grands centres.

A en croire Loubet Del Bayle, l’idéologie qui fonde jusque là la fonction policière est celui d’ordre public et non celle de la sécurité. Mais si au départ, les préoccupations sont celles du pouvoir, il faut constater que l’on évolue déjà vers une police plurielle, celle qui concilie centralisation et décentralisation notamment avec la création des polices municipale qui, on le sait, sont à ancrage local.                                                                                                                  Cette tendance à la décentralisation se confirme par ordonnance n°21/432 du 10 décembre 1948 qui crée les polices territoriales mises au service des provinces et qui ne seront effectives qu’en 1950.                                              

Et quand naît la gendarmerie en 1959, par ordonnance législative n° n°081/188 et appelée à assurer l’ordre public sur l’ensemble du pays, il faut y lire les préoccupations purement d’ordre public ce après les émeutes du 04 janvier 1959, une révolte populaire face à laquelle les polices territoriales démontrent leurs limites en matière de maintien d’ordre. Un signe que le pouvoir colonial revient à renforcer encore davantage des préoccupations de pouvoir. Mais la tendance à la décentralisation demeure, car, sont maintenues à côté de cette force militaro-policière centralisée qu’est la gendarmerie, les polices territoriales qui elles continuent à évoluer sous dépendance directe des autorités politico-administratives locales ou mieux provinciales. Et la fin de la colonisation intervient en juin 1960 sur fond d’une police plurielle, celle qui concilie à la fois les intérêts de pouvoir et de sécurité. Commence alors la période post coloniale.

 

§.2. L’institution policière post coloniale et ses enjeux

A l’indépendance, le Congo hérite d’un système sécuritaire colonial qui comprend, entre autres, l’armée ou la force publique et qui s’appelle désormais l’ANC (Armée Nationale Congolaise), la gendarmerie que l’on continue à nommer comme telle et les polices territoriales qui deviennent polices provinciales. Et si l’armée et la gendarmerie relèvent des autorités centrales, comme à l’époque coloniale, les polices provinciales échappent au pouvoir central et relèvent des autorités politico-administratives provinciales ou locales. Ceci, sans compter avec les tendances de certaines provinces à l’autonomisation qui va vite changer la donne de la gestion policière.                                                                                                        En effet, lorsque les deux provinces, le Katanga d’abord et le Sud Kasaï par la suite, annoncent leur indépendance ou sécession en juillet et août 1960, ces pouvoirs provinciaux vont s’appuyer sur les polices provinciales qu’ils vont surarmer afin de confirmer leur autonomie face au pouvoir central. Ce qui contribue à donner une allure militaire à ces polices provinciales concernées.                                                                                                                   Et en 1964, lorsque se négocie la nouvelle constitution à Luluabourg, l’idée est au renforcement du pouvoir central et de son contrôle sur les provinces par l’institution d’une force de police du gouvernement. Et le décret-loi du 13 octobre 1964 institue cette nouvelle institution policière à l’idée d’une force qui renforcerait la gendarmerie pour venir à bout des polices provinciales qui tenteraient, comme en 1960, à se compromettre en glissant vers des forces sécessionnistes.                                                                                                                    On le voit, avec cette nouvelle institution policière, le couple centralité-décentralité reste de mise, mais le penchant vers la centralité est fort pour davantage renforcer le pouvoir du gouvernement central en province. Il est donc maintenu aux côtés de l’armée et de la gendarmerie, deux forces de police, l’une centralisée et l’autre à ancrage local.                                     Après le coup d’état par Mobutu en 1965, la tendance à la centralisation policière se renforce davantage. Pour consolider son pouvoir, Mobutu procède à une restructuration profonde des forces de police. Pour ce faire, l’Ordonnance-loi n°66-423 du 20 juillet 1966 consacre la fusion des forces de police en une unique force, la police nationale. Désormais, l’ère est donc à la centralisation totale de l’institution policière. Et c’est la période qui signe la fin des polices locales en RDC. On garde en présence trois forces fortement centralisées soit l’armée, la gendarmerie et la police nationale.                                                                           Par la suite, pour se prémunir des menaces rebelles qui pèsent encore sur lui, le nouveau pouvoir va encore fusionner la gendarmerie et la police nationale. A la place, il sera institué en 1972, par Ordonnance-loi n°72/031 du 31 juillet 1972, la gendarmerie nationale. Et l’Ordonnance-loi n°72/033 sera l’acte qui dissout la police nationale.                               Comme on peut le constater, on quitte le schéma d’une police plurielle, celle, avons-nous soutenu, qui conciliait ordre public et sécurité. Et comme aux débuts de la colonisation, on revient à une logique militaire, à l’idéologie d’ordre et qui du reste est révélatrice des fortes préoccupations de pouvoir. La gendarmerie nationale, c’est donc une force militarisée, fortement centralisée et appelée à assurer seule les fonctions policières sur l’ensemble du territoire. Et pour attester de son visage militaire, alors que les forces de police précédentes relevaient du ministère de l’Intérieur, la gendarmerie nationale dépend elle du ministère de la Défense Nationale.                                                                                                                       Et au fil du temps, en 1984, le régime Mobutu voulant faire ménage entre les nouvelles donnes internationales de lutte contre les nouvelles formes de criminalité et la porosité des frontières qui occasionne au Katanga des invasions et incursions rebelles, en vient à créer la garde civile par l’Ordonnance-loi n°84/036 du 28 août 1984. Elle est une force qui doit assurer les missions suivantes :                                                                                              1°) assurer la défense des frontières ;                                                                                   2°) lutter contre la criminalité économique;                                                                          3°) traquer les nouvelles formes de criminalités ;                                                                 4°) lutter contre le terrorisme international.                                                                            Au départ, l’idée est de supplanter la gendarmerie. Mais devant des fortes menaces de guerres, les deux corps se maintiennent et assurent toutes les missions de police sur l’ensemble du territoire ce sans compter avec des rivalités auxquelles ils vont se livrer. Et donc, comme la gendarmerie, la garde civile est un corps militarisé qui lui ne dépend pas du ministère de la défense. Elle est plutôt rattachée à la présidence de la République.                      Il faut retenir de l’époque policière mobutienne, une renaissance, au fur et à mesure, d’une police d’Etat puissante et centralisée. Et comme le souligne Virginie Malochet (2006, 32) à l’image de la France d’avant 1999, c’est-à-dire celle d’avant l’institution de la police dite de proximité, il s’agit bien entendu d’un modèle de police dure et légaliste centrée sur la norme. Et donc, si l’on veut bien reprendre les propos de Louis Assier-Andrieu (2002, 12) en paraphrasant Malochet, une police sous-tendue par l’idéologie d’une norme d’ordre venue d’en haut et imposée et qui s’associe à la mise en forme d’un Etat dont le principe demeure centralisateur, la seule référence étant le maintien d’ordre, donc, une distribution étatique de l’ordre.                                                                                                                                             En 1997, le pouvoir de l’AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération) vient mettre fin au règne du régime Mobutu. Et Laurent Désiré Kabila qui dirige l’Alliance reprend le projet d’instituer ou de réhabiliter une police nationale congolaise, alors que Mobutu l’avait déjà créée en 1966 pour la dissoudre en 1972.                                                         En août 1998, il est créé de fait un corps de police qui va être institué en 2002 par le décret-loi n° 002/2002. Il s’agit bien de la police nationale congolaise. Et comme l’ancienne police nationale, elle dépend du ministère de l’Intérieur. Et parce qu’elle est le fruit de la fusion de la gendarmerie et de la garde civile, elle hérite, non seulement de tout le patrimoine matériel, mais aussi des hommes et des femmes qui composaient ces deux forces. Comme ces anciennes forces qu’elle supplante, la nouvelle police nationale est un corps militarisé et centralisé. Et donc, l’idéologie qui la sous-tend est restée inchangée, c’est-à-dire celle d’ordre, l’enjeu demeurant celui de pouvoir.                                                                                                Ce nouveau visage de la police vient confirmer le processus d’étatisation de la police amorcé depuis 1966. Et à lire le rapport des travaux de réflexion sur la réforme de la police nationale congolaise (mars 2007, 8) le visage que présente la nouvelle police est celle d’une police qui compte en son sein des anciens et/ou retraités, gendarmes, gardes civils, militaires, combattants des factions belligérantes, miliciens, veuves et orphelins de policiers, intellectuels. Et à en croire ce rapport, il s’agit d’une police qui tient du militaire et du civil, du professionnel et du non professionnel. Et donc une police porteuse, dès sa naissance, de limites quant à l’efficacité et qui ne peut en l’occurrence assurer seule la sécurité des citoyens. Ceci tient évidemment de l’environnement de guerre qui l’a vu naître.                                      En effet, c’est depuis 1997 que la RDC s’est vue plongée dans une longue guerre après celle dite de libération menée par Laurent Désiré Kabila et qui a consacré la chute de Mobutu. Dès lors le pays a eu à faire face à un grand défi, celui de réorganiser les institutions en place notamment, l’appareil policier. Et pour la consolidation de la paix, on a dû intégrer au sein de la police et de l’armée, les éléments provenant des factions belligérantes, des milices armées des anciens militaires. Dans ce désordre, en plus des effectifs des anciennes gendarmerie et garde civile, se sont mêlés femmes et enfants des militaires et policiers sans compter tous le civils qui ont saisi l’occasion d’un marché de l’emploi qui s’offrait à eux.                                         Il faut retenir de tout ce qui précède le fait que, quels que soient les visages revêtis par l’institution policière en RDC, l’enjeu est demeuré le même depuis la colonisation jusqu’à nos jours, c’est l’instauration et le maintien de l’ordre public ce malgré les quelques tendances à la décentralisation amorcées depuis 1948 et qui ont pris fin en 1966 et qui frisaient les préoccupations sécuritaires sociétales.                                                                                               On l’a vu, cette idéologie d’ordre pour l’instauration et la consolidation du pouvoir, si elle a été la motivation qui a prévalu à l’institution des missions policières à l’époque coloniale, les émeutes, les troubles, rébellions et les guerres ont fortement contribué, à travers l’histoire de la RDC, à façonner un appareil de police militarisé et centralisé. On sait que pareilles situations peuvent pousser un Etat à placer le maintien de l’ordre au centre de ses préoccupations. Il s’ensuit alors que la police aura à changer de visage. Comme le remarque bien Fabien Jobard (2008, 102) au sujet de la police britannique, logiquement, une telle police se formera aux techniques de maintien de l’ordre et va acquérir à la fois du matériel et adopter des principes militaires de fonctionnement. Et donc, cette para militarisation fera que l’on applique à la police un entrainement, une philosophie et une organisation (quasi) militaire ce quelle que soit sa forme centralisée ou non (Jefferson, 1990, 103, cité par Fabien Jobard, 2008, 103). On l’a vu avec l’évolution de la police congolaise, même au comble de la décentralisation, la logique de fonctionnement de la police a demeuré militarisée.                Reste que les débats actuels autour de la réforme de la police opposent deux modèles : celui d’une police force militarisée et centralisée à laquelle préside les seules préoccupations de maintien d’ordre et celui d’une police dite « proche de la population », c’est-à-dire celle tournée vers la communauté, celle qui se préoccupe de la sécurité des citoyens.                            On sait, par exemple que ces débats ne sont pas nouveaux en occident. D’une police d’ordre à une police de sécurisation des citoyens, les débats touchent le cœur des idéologies fondatrices de ces polices. C’est donc des débats de fond que de simple forme.                         C’est la manière même de penser l’Etat, ses interventions ou ses rapports à la société qui doit être questionnée. Pourtant, tout au long de l’exposé, nous avons démontré que ces rapports sont restés inchangés ne serait ce que dans leur idéologie fondatrice. L’appareil policier est resté non distincts du militaire en RDC, car même là qu’ont été instituées les polices urbaines, territoriales et provinciales, les agents de ces divers corps provenaient en majeure partie de l’armée, les seules préoccupations des divers pouvoirs étant restées de simple pouvoir d’occupation territoriale et de sauvegarde des institutions en place.                     Aussi que le souligne Louis Assier-Andrieu au sujet de la réforme de la police en France ce même si les deux réalités ne sont pas transposables, prétendre passer de cette police étatique fortement militarisée et centralisée à une police tournée vers la société ou la communauté exigerait de substituer, à une démarche policière réactive adossée à la transcendance d’une doctrine de conservation sociale, une approche où l’ordre et la sécurité se font administrer comme droits des citoyens en réponse aux attentes et aux besoins de ces mêmes citoyens selon des méthodes et des procédures orientées vers l’apaisement des sources de trouble, de gêne et de conflit susceptibles de les affecter…[Et donc], d’une distribution étatique de l’ordre à une gestion contractuelle de la sécurité, il y a tout l’espace d’un changement politique accompagnant de profondes transformations sociétales. Ce changement suppose une reconfiguration des philosophies de l’action publique en matière de sécurité fondée sur l’analyse anthropologique la plus fine possible des milieux et des situations (2002, 13, 14).                                                                                                                                      Ce qui suppose que l’institution policière soit ouverte aux études scientifiques, c’est-à-dire, comme l’indique bien Jean-Marc Erbès à la suite de Monjardet (1996, 292), connaître pour mieux agir. La recherche demeure donc un grand enjeu de la réforme. Il faudrait donc favoriser la transparence de l’appareil policier avant toute réforme. Sinon, dans une situation d’ignorance relative où l’on se retrouve aujourd’hui parlant de la police nationale congolaise, la réforme tant souhaitée risque de se fonder sur des bases superficielles et ne pas atteindre les vœux d’une police réellement réformée.                                                                                          On le sait, l’essor des recherches sur la police dépendent largement de l’intérêt que les chercheurs accordent à ces types de recherches, à la force de la demande sociale ou à l’action de la société civile, du soutien que les policiers eux-mêmes apportent et de leur attitude face aux résultats qui en découlent, mais aussi et surtout du soutien du pouvoir public.                  Il transparaît là tout un défi pour les universités et centres de recherche. En effet, la République Démocratique du Congo sort d’une guerre et doit à tout prix réorganiser son espace dans tous les domaines de la vie en faisant aussi face aux enjeux sécuritaires. Plus que jamais, l’université doit donc jouer son rôle moteur d’instrument au service de la société. Fournir de l’expertise, permettre que les conclusions de la recherche soient susceptibles d’éclairer les politiques quant aux choix décisionnels. Car, non éclairée scientifiquement, une réforme risque, quoi que déjà superficiellement profonde, plus encore, de demeurer profondément superficielle, faute d’avoir été suffisamment conçue, préparée et murie. Pourtant, c’est cette police-là qu’il faut à tout prix réformer en tentant de lui donner un visage nouveau.

            Après ce tour d’horizon des enjeux de l’appareil policier, comment circonscrire le contexte actuel de l’émergence de la réforme des services de sécurité en RDCongo ?

 

Section II. Le contexte général de l’émergence de la réforme des services de sécurité en RDCongo

            Le gouvernement congolais a entamé la réforme du secteur de sécurité en général et celle de la police en particulier sur base des recommandations issues des négociations du dialogue inter-congolais tenu en RSA. Ledit dialogue a débouché sur « l’Accord Global et Inclusif », dès lors considéré comme véritable nouveau pacte social national. 

C’est ainsi que, depuis novembre 2005, le gouvernement congolais, assisté des partenaires bi et multilatéraux, a initié la réforme du secteur sécuritaire notamment, celui de la police. Précisons qu’au niveau institutionnel, dans ce processus de réforme, les partenaires du gouvernement ont été essentiellement la MONUC (Mission de l’ONU au Congo) et l’Union Européenne.

Et en 2005, au moment où cette initiative est lancée, la sécurité relève encore du domaine exclusivement réservé à l’exécutif et directement sous contrôle personnel du Président de la république. Et donc, une chasse gardée bref un sujet tabou.

On comprend dès lors, la résistance des acteurs sécuritaires à accepter promptement que d’autres acteurs, notamment ceux de la Société Civile, viennent siéger avec eux autour des questions relatives à la réforme de ce secteur. Ceci dans la mesure où l’idéologie ou la logique de fonctionnement des services de sécurité était restée la même ce malgré l’entame de la période de transition consacrant le passage de la dictature à la démocratie. C’est que les institutions, les textes qui les régissaient et les acteurs qui les animaient n’ayant pas changé, les premiers réflexes étaient de tenir hors du débat les acteurs de la Société Civile. Et il faut dire que cette dernière, la Société Civile, n’a eu droit au chapitre qu’après multiples plaidoyers et lobbying des partenaires bi et multi latéraux.

La réforme, selon quelle doctrine ?

 

Section III. La doctrine de la réforme de la police nationale congolaise

Pour la Société Civile, la réforme de la police devait d’abord consister à assurer une démarcation nette entre l’armée et la police et assurer ensuite une répartition claire et précise des tâches de chacune de ces deux institutions. C’est-à-dire redéfinir de manière claire le rôle dévolu à l’une et à l’autre. Et, s’agissant plus particulièrement de la police, le principe de la réforme consistait donc à changer le visage de cette dernière ; de celui d’une police force à une police service civil.

A ce sujet, Janine Rauch,[1] voulant caractérisait ces deux types de police, en propose les caractéristiques ci-après :

a) Police force

      Organisation très hiérarchisée ;

      Commandement + contrôle centralisés de style militaire, peu de pratique d’appréciation discrétionnaire ;

      Usage non proportionné de la force ;

      Peu ou sans application du respect de l’état de droit ;

      Contrôle politique et/ou influence politique très rigide ;

      Confiance à la connaissance traditionnelle.

b) Police service

      Organisations ‘plates’, avec plus d’égalité ;

      Nouvelle méthode de gestion du public, y compris la décentralisation dans la prise de décision ;

      Usage proportionnée de la force ;

      Interprétation discrétionnaire, subtile du respect de la loi ;

      ‘Indépendance professionnelle’.

Et donc, selon la Société civile, la nouvelle doctrine est basée sur le besoin de transformation profonde de la police nationale congolaise d’une police force en police service public civil ; une transformation qui est loin de s’interpréter comme une simple restructuration interne de l’institution. C’est-à-dire, donner à la réforme une nouvelle dynamique exigeant une adaptation de la réponse policière à la demande, aux attentes ou besoins sécuritaires de la population. Soit donner à la police le visage d’une police œuvrant d’abord pour la sécurité et la protection des citoyens au lieu de n’être qu’une simple police de maintien de l’ordre public.

Cette nouvelle doctrine introduisait les notions de redevabilité, de responsabilité, de transparence et de bonne gouvernance dans le chef de la police.

Comme on le voit, si cette nouvelle doctrine traduisait une co-paternité incontestable du processus de la réforme par la Société Civile, elle apportait aussi avec elle de nouveaux besoins et par conséquent des moyens supplémentaires à pourvoir. Cela impliquait que la réforme tant envisagée ne soit pas une simple restructuration de la police existante mais bien plus, tout un projet d’investissement pour une police nouvelle. En combien de phases ?

 

Section IV. Les phases de la réforme de la police nationale congolaise

Le Gouvernement congolais a commencé la réforme de la police en l’articulant en trois phases :

1°) La phase de la conception où des experts réunis au secrétariat exécutif du Comité de Suivi de la Réforme de la Police (CSRP) ont conceptualisé le projet qui a débouché sur le plan global de la réforme de la police en RDC ;

2°) La deuxième phase est celle de la mise en œuvre du plan de la réforme .C’est la période d’exécution des différents projets conçus par le secrétariat exécutif du CSRP. Cette phase est confiée à la police elle-même qui devra exécuter le plan qui lui sera confié ;

3°) La troisième phase est la phase d’évaluation du processus de la réforme pour déterminer le niveau d’atteinte des objectifs et de possibles corrections à y apporter.

Et entre la conception par le secrétariat exécutif du CSRP et la mise en œuvre par la police sous la conduite de son Inspecteur Général, il y a été inséré une étape transitoire que l’on a dénommée : phase d’appropriation. C’est une étape de remise et reprise entre les concepteurs et les exécutants du projet conçu. Et le groupe de remise et reprise pour l’appropriation du projet conçu par le secrétariat exécutif du CSRP s’appelle le groupe AMO (Appropriation et Mise en Œuvre) et c’est lui qui aura la tâche de comprendre le projet conçu avant de le mettre en exécution sous l’autorité de l’Inspecteur Général de la PNC.

En outre, il faut préciser que le projet de conception exécuté au CSRP est reparti en neuf groupes de travail portant sur des secteurs suivants :

-cadre légal et réglementaire

- ressources humaines

- formation

- budget et finances

- logistique et infrastructures

- informations et communication

 - organisation

- genre, violences sexuelles et protection de l’enfant

- suivi et évaluation

A chacun de ces groupes de travail correspond une direction administrative fonctionnant dans la police existante. Comme déjà dit, c’est du travail de la conception qu’est sorti le Plan Global de la réforme de la police nationale congolaise.

Ce plan comprend 19 petits projets issus des neufs groupes de travail précités. Et ces petits projets ont été classés en :

-plan d’action prioritaire de la réforme de la police ou plan triennal ;

-cadre stratégique à long terme

Quelles sont alors les différentes étapes de réalisation du processus de réforme ?

 

Section V. Les grandes étapes du processus de réforme

En effet, en 2005, le ministre de l’Intérieur a initié le processus de la réforme de la police nationale congolaise. Cette réforme va passer par les étapes ci-après :

1°) Faire l’état des lieux de la police nationale congolaise  afin d’identifier toutes les faiblesses, les insuffisances et les maux qui rongent la PNC ;

2°) Faire des recommandations par rapport à la réforme en vue de créer une nouvelle police. A ce sujet, certains changements ont été préconisés pour une police républicaine au regard des recommandations du dialogue inter congolais de Sun city ;

3°) Produire un avant projet de loi organique sur la police afin de doter la police d’un nouveau cadre juridique qui lui permette d’agir en toute légalité ;

4°) Mettre sur pied un comité de suivi de la réforme pour concevoir un plan de travail pour amorcer la réforme ;

5°) Faire exécuter le plan de la réforme sur le terrain par la police elle-même ;

6°) Evaluer les résultats de la réforme.

A ce jour, le secrétariat exécutif du CSRP a réussi à produire le plan global pour la réforme de la police.

Ce plan est réparti en deux temps :

1°) le plan d’actions prioritaire à exécuter en trois ans ou plan triennal ; 

2°) le plan d’actions à long terme qui va s’étaler sur dix ans ou cadre stratégique à long terme.

 

Section VI. Des acteurs de la réforme de la police

Au moment où le ministre de l’Intérieur de l’époque, Monsieur Théophile Bemba, lançait la réforme de la police en 2005 ce selon les recommandations du dialogue inter congolais, personne ne se représentait les défis auxquels le gouvernement devait être confronté.

Les premières actions qui tendaient à la mise sur pied d’un comité de réflexion connu sous la dénomination de GMRRR (Groupe Mixte pour la Réflexion, la Réforme et la Restructuration de la Police), avaient pour objectifs principaux de recenser les effectifs, d’organiser de nouvelles formations, d’améliorer des conditions sociales et professionnelles du policier.

Et pour élaborer ce plan de la réforme, la première question qui se posait était celle de l’identification des experts. On sait, par exemple, que s’agissant de la RDCongo, la plupart des techniciens disponibles œuvrant au sein de la police sont en fait des anciens militaires, des anciens gendarmes et/ou éléments de l’ancienne garde civile. Et donc des personnes n’ayant pas fait l’expérience d’une police civile.

Les véritables experts ou policiers professionnels faisant défaut au pays, l’on fit appel aux experts étrangers, issus principalement des partenaires bilatéraux et multilatéraux dont la MONUC (Mission de l’ONU au Congo) et l’Union Européenne. Eux-mêmes aussi gendarmes et donc avec très peu d’expérience dans le sens de la police selon que l’entend la réforme.

Le travail confiait auxdits experts consistait à faire un état des lieux de la police, formuler des recommandations quant à la nouvelle police et préparer un avant projet de loi  sur la police. On le sent, les défis à relever étaient énormes.

Et l’autre question qui se posait, c’étaient les moyens à mettre à la disposition de ces experts afin de leur permettre de réaliser les objectifs leur assignés. Il faut dire à ce niveau que les moyens étaient fort réduits. Il était donc compréhensible que le gouvernement ait pensé à un projet minimum. Le tout dans un contexte de reprise des guerres à l’Est du pays.

Il fallait que des bailleurs des fonds viennent à la rescousse du gouvernement. L’on fit appel à l’union Européenne pour le lancement du CSRP, à la coopération britannique pour l’appui à la Société Civile. ; à l’Afrique du Sud pour son expertise et à la Belgique, à la France, à la Suède pour leurs expériences en matière de police.

La commission Européenne, principal bailleur des fonds a appuyé financièrement et techniquement le GMRRR et le CSRP. Pour sa part, l’Angola a offert plusieurs programmes de formation à la police congolaise. On peut retenir les formations des formateurs, la formation de la brigade anti-crime, de contrôle et de gestion des foules.

L’agence de coopération britannique Dfid quant à elle a soutenu, à travers Idasa, une ONG sud africaine, le renforcement et la participation de la Société Civile au processus de la réforme de la police. 

L’agence de coopération suédoise, Sida, a elle financé, à travers Idasa, les échanges d’expériences dans la réforme de la police avec les acteurs et chercheurs d’autres pays.               Et l’Afrique du sud a fourni des formations dans le renseignement et le contrôle des foules, la prolifération des armes à feu, la protection des VIP et le commandement opérationnel.[2]

Tandis que le JICA, agence de coopération japonaise, a intervenu dans la démocratisation de la PNC et la préparation aux élections, la formation des formateurs et des officiers en partenariat avec la MONUC, la police sud africaine et la CEI (Commission Electorale Indépendante).

La MONUC (Mission de l’ONU au Congo) elle, n’est pas bailleur des fonds mais a joué un rôle important dans l’apport logistique et technique au GMRRR et même au CSRP, de même pour la sécurisation des élections.

Enfin, la Belgique[3] et la France jouent aussi un rôle quasi permanent en tant que partenaires techniques et financiers. 

La réforme de la police nationale congolaise ainsi envisagée devait s’intégrer dans le processus global de réforme des services de sécurité et/publics notamment l’armée, la justice, la fonction publique, les finances publiques, les services du ministère du plan…

Et donc, les différents ministères auxquels relèvent tous ces services publics sont d’office membres du comité de pilotage du CSRP, une instance politique décisionnelle où siègent aussi quelques représentants de la Société Civile (les points focaux).

Au regard de cette configuration, il faut avouer que les chercheurs et les secteurs privés constituent de grands absents du processus.

Il se dégage de ce qui précède que les acteurs de la réforme de la police nationale congolaise peuvent être catégorisés en quatre groupes :

1°) Les différents ministères représentant les différents secteurs du gouvernement ;

2°) Les experts policiers nationaux représentant la Police nationale congolaise ;

3°) Les experts policiers et gendarmes étrangers représentant les partenaires techniques et financiers internationaux ;

4°) Les délégués experts de la Société civile nationale de la RD. Congo.

Il faut noter que chacun de ces acteurs a travaillé en essayant de faire prévaloir sa vision et sa conception de la réforme. Et le plan d’action global de la réforme qui a été produit est la synthèse de toutes les contributions des parties prenantes ou les visions des uns viennent soit bousculer soit rencontrer celles des autres dans un jeu des coalitions et contradictions d’intérêts.

Une question s’impose pourtant, dans cette multitude des partenaires, quelle a été la place, le rôle et la contribution réelle de la société civile de la RDCongo au processus de réforme de la police nationale congolaise ?

La réponse à cette question constitue l’essentiel du second chapitre.

A SUIVRE


[1] Schémas  proposé par Janine Rauch : Éléments communs à la réforme de la police

[2] International Crisis Group. 2006. ‘Security Sector Reform in the Congo’, Africa Report, No. 104,  p.9

[3] 101 See EU@UN. 2005. “Council establishes mission” [en ligne] http://europa-eu-un.org/articles/en/article_4654_en.htm (page consultée le 5/3/2006).