Préfacer un ouvrage, c’est le situer dans le contexte de sa production historique, social et culturel ; c’est aussi circonscrire ses enjeux théoriques et scientifiques dans le champ du savoir ; c’est enfin en tirer quelques leçons qu’enduit sa lecture.

L’ouvrage de Paul Messi apparait à un moment où l’humanité est confrontée à une crise sanitaire la plus aigüe de son histoire : la Covid-19. Cette pandémie, aux effets dévastateurs, a détruit de vies humaines et plongé l’humanité dans une angoisse profonde. Elle a paralysé toutes les économies du monde, surtout celles des pays pauvres, déjà mises en mal par les processus cumulés de la mondialisation et de la globalisation. Elle sévit partout et de partout à tel point qu’aujourd’hui l’humanité en appelle à la solidarité agissante sans tenir compte des appartenances raciales, religieuses et idéologiques. Alors endiguer la crise signifie faire appel à l’apport de tout homme là où il est, tel qu’il est, avec ce qu’il a comme tares et avatars. Cet élan de solidarité ne peut avoir pour nom et comme principe que l’Homocentrisme[1]. Voilà la première leçon que je tire de cet ouvrage.



[1] Cfr L. MPALA Mbabula, L’Homocentrisme par-delà l’eurocentrisme et l’afrocentrisme. Préface de Benoit AWAZI, Paris, Edilivre, 2018.

 



Paul MESSI

 

 

 

 

 

L’ASCENSION DE LA PHILOSOPHIE AFRICAINE CHEZ Louis MPALA Mbabula


Né le 23 décembre 1995 à Yaoundé / Cameroun, de nationalité camerounaise, Bachelier en Electrotechnique F3 en 2012, Licencié en Anthropologie de développement de l’Université Yaoundé 1 en 2017, Paul Messi a obtenu un Baccalauréat canonique et une Licence

en Philosophie, en 2021, à l’Institut Supérieur de Philosophie Saint-Joseph  Mukasa (Cameroun) affilié à l’Université Pontificale Salésienne de Rome et à l’Université Yaoundé. Paul Messi est Postulant à la Société des Missionnaires des Saints-Apôtres.


 




 

EDITIONS MPALA


« Il est bon de savoir quelque chose des mœurs de divers peuples, afin de juger des nôtres plus sainement, et que nous ne pensions pas que tout ce qui est contre nos modes soit ridicule, et contre raison, ainsi qu’ont coutume de faire ceux qui n’ont rien vu »

Abdoulaye Bah

 

 

 

 

 

 

 

REMERCIEMENTS

Ce livre est l’aboutissement du parcours effectué au cours de trois années d’études en philosophie.

Je remercie tout d’abord le Seigneur qui, par sa grâce, m’ a permis d’arriver au bout de mes efforts en me donnant la santé, la force, le courage et en m’entourant de merveilleuses personnes que je tiens sincèrement à remercier.

Que Docteur Martine Madeleine Minkada soit contente de voir ce livre qui n’aurait pas pu être publié si son encadrement sans faille, son soutien moral, sa rigueur au travail, ses multiples conseils ; ses orientations et sa disponibilité malgré ses multiples occupations m’avaient fait défaut.

Je remercie Dieu Yahvé qui m’a donné une famille spirituelle, celle de la Société des Missionnaires des Saints-Apôtres qui a daigné mettre à ma disposition tout le nécessaire pour l’accomplissement de ce travail et pour mon épanouissement intellectuel et communautaire. Je pense ici aux Pères Aimé Bienvenu kono, Guy Paulin Nga, Modeste Boris Dzotam Kiage, Paulin Harding Ngono Bessala, Léon Pascal Nko, Pierre Côme Florent Ateba Abamba, Luc Bonaventure Mama, Victor Essono Ekoé, Dieudonné Mounguene pour tous les conseils et pour la confiance qu’ils ont toujours mise en moi. Je leur exprime toute ma reconnaissance.

Aux Frères Michel Bosco Enyegue, Patrick Boyomo, Erver Voufo, Georges Ngog Biyag, je dis sincèrement merci pour vos conseils.

Loin de moi d’oublier tous les enseignants de l’Institut Supérieur de philosophie Saint Joseph Mukasa (Yaoundé- Cameroun affilie à l’Université Pontificale Salésienne de Rome, U.P.S. en sigle), pour leurs enseignements de qualité et leurs conseils qui m’ont permis de me mettre debout et de marcher philosophiquement sur le chemin de la recherche philosophique, chemin fréquenté par plusieurs philosophes venus de tous les horizons et dont la fréquentation nous rend humble, car la Vérité est toujours devant nous.

 

Je ne saurais terminer sans remercier le Professeur Emérite Hubert Mono Ndjana ( pour m’avoir appris à tourner mon regard philosophique vers la République Démocratique du Congo et y découvrir le Philosophe Abbé Louis Mpala Mbabula), les abbés Louis Mpala Mbabula, Anatole Nkala, Daniel Ndemba et mes amis Etoundi  Christian, Enama Bibiche Amandine, Mandou Nganzie Zenabou, Bengono Kevin, Djosseu Samuel, Heumou Martial, Noubissie Sandra Merveille, Eloundou Arnaud, Eyenga Morelle pour leurs multiples conseils, encouragements et leurs documentations mises à ma disposition.

Que mes confrères, mes promotionnaires et mes camarades de l’Institut Supérieur de philosophie Saint-Joseph-Mukasa voient en ce livre le fruit de nos discussions et un signe de courage, celui d’exposer ou de soumettre, à l’appréciation du monde entier, les résultats de mes recherches scientifiques.

 


 

PREFACE

De l’Homocentrisme à la philosophie de la culture

 

Préfacer un ouvrage, c’est le situer dans le contexte de sa production historique, social et culturel ; c’est aussi circonscrire ses enjeux théoriques et scientifiques dans le champ du savoir ; c’est enfin en tirer quelques leçons qu’enduit sa lecture.

L’ouvrage de Paul Messi apparait à un moment où l’humanité est confrontée à une crise sanitaire la plus aigüe de son histoire : la Covid-19. Cette pandémie, aux effets dévastateurs, a détruit de vies humaines et plongé l’humanité dans une angoisse profonde. Elle a paralysé toutes les économies du monde, surtout celles des pays pauvres, déjà mises en mal par les processus cumulés de la mondialisation et de la globalisation. Elle sévit partout et de partout à tel point qu’aujourd’hui l’humanité en appelle à la solidarité agissante sans tenir compte des appartenances raciales, religieuses et idéologiques. Alors endiguer la crise signifie faire appel à l’apport de tout homme là où il est, tel qu’il est, avec ce qu’il a comme tares et avatars. Cet élan de solidarité ne peut avoir pour nom et comme principe que l’Homocentrisme[1]. Voilà la première leçon que je tire de cet ouvrage.

         Paul Messi, en faisant graviter toute son argumentation autour de ce concept dans le cadre de la philosophie africaine, a bien compris la préoccupation du philosophe congolais Louis MPALA Mbabula. La singularité des expériences historiques diverses demeure une réalité incontournable, et qu’on peut tirer de chacune d’elles des normes d’intelligibilité susceptibles d’assurer, comme V.Y. Mubimbe l’a écrit, une complémentarité hominisante aux différentes catégories d’hommes. C’est là que Paul Messi rend pertinente cette idée du philosophe congolais : l’élévation de la philosophie doit se conjuguer avec le pronom personnel « JE » sans se diluer dans le NOUS collectif. Le JE est celui de la responsabilité et de son engagement singulier à la philosophie au pluriel, celle des discours pluriels, pour un discours qu’on appelle Philosophie.

         A travers cette philosophie mpalaéienne Paul Massi fait reposer le projet philosophique sur la pluralité des rationalités et des rationalités plurielles. L’universalisme philosophique et culturel que véhicule l’Occident est mis en crise. La philosophie africaine ne peut avoir pour aboutissement des conceptions du monde des penseurs européens ou autres, et ne peut pas prétendre que nous sommes [nous Africains] cet aboutissement. C’est pourquoi chez Louis MPALA Mbabula, la philosophie se comprend en termes de la vie qu’il faut vivre ; et que « tout vrai homme est sensé se poser des questions sur son existence ». Une vision totalement existentielle que Paul Messi fait découler de l’Homocentrisme. Voilà la deuxième leçon que je retiens de cet ouvrage.

         Véritable fil d’Ariane qui permet de pénétrer dans le labyrinthe de l’ouvrage philosophique de Louis Mpala Mbabula, l’Homocentrisme postule, sur le plan méthodologique, l’approche parémiologique, et celle dite des batterie-parémiologique, fondée sur la métaphore de l’Arbre. Ces deux approches ont pour objet les proverbes, la parémie. Paul Messi, à la suite d’Hubert Mono Ndjana, définit celle-ci comme un dépôt ou soubassement de la sagesse ancestrale. Louis Mpala Mbabula considère cette approche comme une des démarches idoines pour percer, à sa manière, le mystère que renferme la philosophie africaine. Partie fondamentale de la philosophie africaine, les proverbes, comme le fait voir Paul Messi, constituent une partie fondamentale de la culture africaine. Ils peuvent être compris dans un contexte où le niveau d’alphabétisation est faible et appréciés dans les milieux plus éduqués. Les proverbes sont aussi un outil, un instrument, qui peut aider les chercheurs en sciences humaines et sociales à comprendre le comportement de l’homme africain, le fonctionnement des organisations sociétales ainsi que politiques africaines. Par ses explications, Paul Messi nous a présenté cette approche parémiologique comme celle qui donne une nouvelle orientation en philosophie africaine, car, note-t-il à la suite de Louis Mpala Mbabula, les proverbes jouent plusieurs rôles dans la philosophie africaine : éduquer, argumenter et conseiller. Ils sont un anologon de la philosophie, c’est-à-dire ils transmettent la vérité qui permet d’atteindre le réel.

         Cette approche parémiologique peut jouer un rôle révolutionnaire, celui d’élever la philosophie africaine à un niveau qu’on peut situer dans une ontologie et anthropologie africaine que dans la philosophie proverbiale. Cette révolution parémiologique n’est possible qu’à partir des batteries parémiologiques, c’est-à-dire un ensemble des proverbes sur et à propos de l’arbre. L’arbre est mémoire d’un peuple.

         Pour le philosophe congolais Louis Mpala Mbabula, l’arbre symbolise l’homme, la sagesse provenant d’une expérience vécue et éprouvée. C’est pourquoi les anciens philosophes ont codifié l’éducation par l’arbre dans les proverbes. L’arbre est une leçon morale vivante pour chaque société, relevant d’une philosophie réaliste et empiriste. Cette métaphore de l’arbre nous renvoie au vitalisme qui traverse la philosophie romantique. Il s’agit de l’arbre de Taine qui, dans les Déracinés de Barrès, l’un des maîtres de Barrès montre, note Luc Ferry, en quel sens l’arbre est un modèle d’éducation. Pourquoi ? Parce que les feuilles, les rameaux, les branches, tout ça, commente-t-il, font partie d’une communauté. On peut aussi dire que l’arbre est symbole de nos traditions et des singularités culturelles. Et ce symbole est celui qu’incarnent nos communautés historiques et de destin. D’une manière incidentielle, l’ approche parémiologique et celle de batteries parémiologiques font inscrire l’œuvre de Louis Mpala Mbabula dans la suite de celle de Hans G. Gadamer qui, contre Les Lumières, a mis en échec les schémas hérités d’un Descartes, d’un Kant, d’un Hegel en réhabilitant la tradition et les préjugés. Nous appartenons à l’histoire, donc à une TRADITION, martèle Hans G. Gadamer et « nous nous tenons dans des traditions, que nous connaissons ces traditions ou non, que nous en soyons conscients ou non, ou que nous soyons si présomptueux que nous croyons pour commencer sans préjugés- tout cela ne change rien à l’action des traditions sur nous et notre compréhension »[2], insiste-t-il. H.G. Gadamer réhabilite, sans doute, des « préjugés légitimes » (condition de la compréhension[3]) qui ne sont pas à confondre aux préjugés  d’autorité et aux préjugés de précipitation.

         Le philosophe congolais, par l’approche parémiologique, a réhabilité la tradition en faisant du proverbe l’objet de la philosophie. Voilà la troisième leçon que je peux recevoir de l’ouvrage de Paul Messi.

         Ces trois leçons qui ressortent de l’ouvrage de Paul Messi se résument en termes d’une lutte idéologique qui  s’inscrit en faux contre l’ethnocentrisme sous ses diverses manifestations. Elles se résument aussi en termes de paradigme méthodologique rendu possible par l’approche méthodologique. Elles se résument, enfin, en termes de réhabilitation de nos traditions, de nos cultures comme objet d’étude en philosophie. Sur ce point, l’Homocentrisme se révèle être un principe directeur de toute entreprise herméneutique.

         Mais que faut-il penser de l’Homocentrisme ?

         L’Homocentrisme, ce concept mis en chantier par le philosophe Louis Mpala Mbabula, est un principe fondateur de toute entreprise humaine. Elle se réfère à l’identité humaine comme individualité et singularité historiques dans la réalisation d’un destin commun et communautaire. Ce concept se prête à toute situation de conflit, de crise, d’impasse théorique, et tant d’autres situations.

         Alors je peux dire, cette fois-ci, que si Paul Messi a consacré tout un ouvrage au philosophe congolais Louis Mpala Mbabula, ce n’est pas par indulgence excessive, mais par mérite : Louis Mpala Mbabula a fait sortir toute la philosophie, notamment la philosophie africaine, de l’impasse théorique et méthodologique[4].

Professeur  Jean Pierre KANKWENDA-ODIA

Docteur en philosophie

Université de Lubumbashi

30 juin 2021

 


POSTFACE

 

Le philosophe vieillit en apprenant et en apprenant,

il rajeunit

         Je reste convaincu que l’on ne finit jamais d’apprendre et nos vieux âges babemba l’ont dit : « Amano manika balendela=l’intelligence ou la sagesse est comme la rivière vers laquelle il faut aller pour puiser de l’eau=on apprend  toujours », « Amano ni mbuto balapumba= l’intelligence ou la sagesse est comparable à la semence sur laquelle il faut veiller=on apprend toujours », « Amano tayalinganina mumo nga makufi= l’intelligence ou la sagesse (chez les êtres humains) n’est pas égale comme les genoux sont égaux=l’on apprend toujours des autres qui que l’on soit », « Amano tayapelemwa muno= l’intelligence ou la sagesse n’est pas la même chez tous les êtres humains=on apprend toujours des autres », « Amano yalundilwapo nga pabukwebo= l’intelligence ou la sagesse a toujours besoin d’être ‘augmentée’ comme dans le commerce=on n’est jamais plus intelligent ou sage que les autres= on apprend toujours ».

         De ces différents proverbes, nous n’avons pas attendu Socrate pour savoir que nous devons toujours apprendre.

         Le travail scientifique de Paul Messi m’apprend beaucoup sur « ma » philosophie africaine, de par sa pertinence que Paul Messi y trouve. « La vision africaine aujourd’hui accorde une grande importance au proverbe, car celui-ci a une valeur qui se manifeste par un langage ayant pour but de fournir à l’Africain des conseils d’ordre pratique et les énoncés d’un savoir ou d’une connaissance établie empiriquement, et dont les caractéristiques essentielles comportent un aspect constatif qui renferment une interprétation explicite qui représente leur vérité ; étant une vérité de fait, laquelle s’identifie avec le réel », écrit-il. Ce constat de Paul Messi me conforte beaucoup car il nous arrive souvent de citer Platon, Socrate, Hegel, etc. afin de nous attirer l’admiration de nos lecteurs ou interlocuteurs et pourtant nos proverbes peuvent bien traduire nos pensées. Nous avons besoin de la « reculturation » pour enrichir la culture universelle. Le multiculturalisme se veut un partage de nos cultures pour une intégration mutuelle.

Voilà qui explique l’Importance de l’approche parémiologique dans la pensée africaine aujourd’hui et celle du monde entier, car qui ne se départit pas des préjugés eurocentristes et du complexe d’infériorité restera « mineur » au sens kantien, c’est-à-dire pensera par procuration et ne sera jamais « Majeur ». Combien de fois nos collègues citent-ils les travaux de leurs pairs africains œuvrant avec eux dans les mêmes institutions universitaires ? Combien de nos collègues encouragent-ils leurs étudiants à apprécier ou travailler sur les écrits de leurs collègues comme cela est le cas avec la Philosophe camerounaise Martine Madeleine Minkada pour le travail scientifique de Paul Messi ?

         J’apprends en vieillissant- car j’ai 60 ans selon la carte de baptême- que mon écrit étudié par Paul Messi a un Apport épistémologique. Je n’y ai jamais pensé. «  Son apport, affirme-t-il, renvoie ici à la constitution des connaissances. Dès lors, l’apport épistémologique met l’accent sur les modes de connaissance qui appartiennent au patrimoine linguistique d’un groupe. Car les cultures ont créé les proverbes pour la mise en valeur de leur savoir et de leurs connaissances » et il cite Basile-Juléat Founda pour appuyer sa pensée : « Celui qui n’apprend pas à son enfant la langue et les proverbes se ferme certaines portes pouvant lui ouvrir plusieurs connaissances du monde ».

         L’Apport politique qu’il recèle de mon livre rejoint celui que Hyppolite KATEMBO Sempela mettait à jour en mai 2008 sans son travail scientifique[1], que Patrice KAYEMBE Ilunga  mettait en exergue[2], que Carlos MOLISO Makuba exploite[3] et que Michel KABULA Kabila applique[4].

         En effet, il souligne qu’en démocratie, l’approche parémiologique permet le renforcement des capacités en renforçant les organes et les institutions sociales, que dans la coopération et la solidarité dans la Cité, les proverbes représentent une forme de communication inestimable pour comprendre et aborder les questions organisationnelles, que les proverbes, en politique, jouent également un rôle de régulateur social en ce sens qu’ils permettent de juger et de sanctionner les comportements des déviants au sein d’une communauté et qu’en Afrique, l’art de la conversation par les proverbes jouit d’une grande considération en politique.

L’Apport socio-culturel qu’il exhibe  n’est pas moindre, car les proverbes permettent d’identifier et de rendre à une société son patrimoine culturel et sa dignité, de transmettre « la sagesse populaire » au fil du temps, de  porter le témoignage éclatant d’une «raison» africaine (Yao Kouadio) qui permet d’accéder au plan des idées générales et donc de l’abstraction, de donner une conception profonde des différents problèmes de la vie, d’occuper une place de choix, comme outil de communication, dans l’éducation intégrale de l’homme.

En outre, il montre l’intensification de ma pensée , celle de l’existence de « la philosophie africaine, puisque que l’homme existe en Afrique », et mon analyse de la notion de philosophie africaine comme étant une ascension aussi complexe qu’elle soit à travers une sorte de chandelle à apporter à «  la philosophie de la lumière » qui est porteuse de signification toujours à découvrir comme « un monstre à plusieurs têtes dont chacune parle une langue différente ».

Par ailleurs, il souligne l’Importance de l’approche parémiologique pour la recherche de l’authenticité en sauvegardant les traditions orales et la littérature orale. Et il invite les jeunes chercheurs à recueillir et à approfondir ce précieux trésor légué par les ancêtres  et à avoir pour tâche, celle de contribuer à la revalorisation de ces valeurs traditionnelles fondamentales, nécessaires à l’édification d’une

Il estime que la Valorisation des proverbes est une des exigences de la philosophie africaine s’inscrivant dans une réflexion à la fois littéraire et linguistique.

Tous les apports relevés m’aident à voir plus loin et à les mettre en exergue lors de mes interventions scientifiques à la radio, à la télévision et à l’université. Merci. En vieillissant, j’apprends toujours.

En apprenant je rajeunis, surtout quand je me trouve devant des critiques qui me permettent de voir autrement et de parfaire mes pensées.

Paul Messi me fait remarquer que dans mon désir de perfectionnement et d’élévation de la pensée africaine, je ne me suis pas rendu compte que ma conception de la philosophie pouvait être dépassée à un moment. Si cela transparait comme mon intention, je dois revoir à la baisse mes prétentions, car ne pas le faire serait une aberration de ma part. Alpha Blondy chante : « Tout change, tout évolue, seuls les imbéciles ne changent pas… » et avant lui, nos ancêtres africains et Héraclite d’Ephèse l’ont dit. Je rajeunis en apprenant.

Que penser de sa critique selon laquelle les proverbes ne sont pas facilement identifiables, car ils n’ont pas d’auteurs officiellement reconnus ?

Cette critique me renvoie au débat clos, je le suppose, avec mon livre[5]. Mais pour le besoin académique, on en revient, car les étudiants ont besoin de l’histoire de la philosophie africaine. Au nom de quel canon ou étalon doit-on dire que les auteurs des proverbes ne sont pas officiellement reconnus ? Chaque peuple a sa façon d’identifier les auteurs des proverbes. Si l’on dit « proverbe français », « proverbe congolais », etc. Et si l’on spécifie « Proverbe tabwa ( de la RDCongo) », etc., cela signifie que nous avons une « marque déposée » propre à ce groupe ou peuple de telle sorte que quand on cite ce proverbe on prend soin de donner la source du proverbe, et ce par honnêteté intellectuelle. Dans une pratique communautaire où la production individuelle est fruit et un acquis collectif ou patrimoine tribal, votre critique est sans objet, à moins que l’on soit dans une société marchande. Et Niamkey Koffi, à ce propos, est bien pertinent quand il fait remarquer que « dans les sociétés africaines précoloniales, si les pensées même officielles sont marquées du sceau de l’anonymat, c’est moins par absence des penseurs à dire Descartes, Kant ou Hegel que par le mode spécifique tant de la production intellectuelle que de la transmission ou de la diffusion du savoir. Ce n’est pas non plus par l’absence d’écriture »[6].

         Par ailleurs, argumente Niamkey, c’est parce que dans les sociétés africaines précoloniales le mode de production était collégial qu’une production intellectuelle n’est rattachée à tel ou tel autre. Ceci étant, « aucun maitre des « écoles » africaines précoloniales dites « sociétés d’initiation » ne saurait se prétendre le dépositaire du savoir dont il a charge de régler la diffusion »[7].

         Je rajeunis car votre critique m’a permis de revisiter mes notes prises lors d’un Séminaire de philosophie africaine animé par le professeur Okolo Okonda sous le thème Philosophie africaine : l’orientation pratique de la philosophie africaine aux Facultés Catholiques de Kinshasa, devenues Université Catholique du Congo (UCC), en 1998- si ma mémoire est fraiche. Il enseignait-je reprends mes notes personnelles, faute de syllabus- : « Le texte (je souligne) est une œuvre d’art, c’est un travail de l’esprit peu importe qu’il soit écrit (souligné par Okolo) ou oral (souligné par Okolo). L’essentiel est d’être organisé (souligné par Okolo). Etre long (souligné par Okolo)  ou court (souligné par Okolo) n’est pas important. [La tradition aménage le genre (son commentaire)]. Le texte doit être aussi accepté par les autres. Le proverbe (je souligne) est un texte au même niveau que le romain Guerre et Paix de Tolstoï. Les paroles (je souligne) sont aussi des textes (je souligne) »[8].

         Je dois reconnaître, au nom de la tolérance philosophique-étant donné que la philosophie est un champ de bataille sur lequel l’unanimisme est désapprouvé, si ce n’est de rendre les armes-, que vous avez droit de garder votre position si la nôtre ( Niamkey, Okolo et moi) ne vous convainc pas pour rendre vos armes.

Loin de moi d’engager le débat sur l’écriture. Mon livre, celui de l’Initiation à la philosophie…, et dont vous avez une copie en version numérique, y consacre tout un chapitre.

         Que dire de « l’ethnophilosophie qui est cette vision commune propre aux Africains, qui se rapporte donc, aux dires de Mbiti, à la compréhension, à la tournure d’esprit, à la logique et à la perception qui sont les fondements de la pensée, de l’action et du langage des Africains dans les différentes circonstances de leur vie » ?

Hountondji et Towa n’ont pas inventé le concept Ethnophilosophie[9]. Il est de la plume de Nkwameh  Nkrumah.

 Hountondji II redéfinit l’ethnophilosophie comme « l’étude des représentations collectives dans une société donnée, ou plus exactement, en suivant une suggestion de Marc Augé, l’étude de la logique des représentations collectives, l’étude de « l’idéo-logique » d’une société donnée. Une telle étude est décisive lorsqu’on a affaire à des sociétés dites sans écriture, ou plus exactement, comme l’écrit Maurice Houis, à des « civilisations de l’oralité » »[10].  De cette définition, Hountondji conclut : « Voilà pourquoi, justement, on est tenté de prendre l’ethnophilosophie pour la philosophie des sociétés orales. L’ethnophilosophie devient ainsi la philosophie du pauvre. Plus exactement, étant l’étude des « idéo-logiques », on est tenté d’y voir l’étude de ce qui, dans les civilisations de l’oralité, peut être considéré comme l’équivalent exact de ce qu’on appelle en Occident, la philosophie.  Mais, il faut convenir qu’en fait, l’idéo-logique n’est pas le monopole des sociétés orales, et qu’il y a lieu d’étudier aussi les représentations collectives des sociétés de l’écrit. L’Ethnophilosophie apparait alors comme l’étude des systèmes de pensée collectifs en générale et pas seulement ni forcément dans les sociétés orales »[11].

         Le « on est tenté » a été revu à la baisse quand il constate: « Puisqu’il est possible d’étudier aussi les représentations collectives dans des sociétés disposant par ailleurs d’une tradition philosophique écrite, la tentation signalée plus haut [Le « on est tenté »] s’évanouit d’elle-même, et l’ethnophilosophie est remise à sa juste place »[12]. Ouf ! L’ethnophilosophie retrouve ses lettres de noblesse jadis confisquées. Et il confesse ou mieux, il témoigne : « Pour en revenir à mon itinéraire personnel, voici plus de vingt-cinq ans que je me vois confronté à cette réalité incontournable de l’impensé collectif »[13]. Et il  « chute » sans se blesser : « Cartésien jusqu’au bout des ongles, est peut-être, dans un sens plus cartésien que Descartes, je voyais dans cet impensé un véritable défi dont le seul intérêt était, somme toute, de provoquer par contre coup une pensée responsable qui le mettrait en cause, ou en d’autres termes, de mettre à nu ce contre quoi (souligné par l’auteur) une véritable philosophie pouvait s’élaborer. Peut-être faut-il maintenant aller plus loin. La pensée même la plus personnelle est portée par une histoire qui la déborde de toutes parts. Et cette histoire n’est pas qu’individuelle, elle est d’abord collective. Il faut donc, dans un sens, renverser les perspectives, et considérer l’individu comme un détail au regard de cette pensée pré-personnelle qui le porte, au regard de la tradition, au regard de la culture. On ne fait ainsi, cependant, que déplacer le problème. Car, une fois reconnus, ces déterminants culturels et leur impact profond sur la personnalité, on peut s’empêcher de reconnaitre qu’à un certain niveau la tradition elle-même plurielle et propose  toujours, de ce fait, un vaste éventail de possibilités qui oblige l’individu à se déterminer à son tour, le plaçant ainsi, toujours et encore, devant une incontournable responsabilité »[14]. Ainsi parla Paulin Hountondji II.

De ce qui précède, retenons que l’Ethnophilosophie est une philosophie parmi tant d’autres. Elle n’est pas un fruit des « philosophèmes ».

De ce débat, je rajeunis en apprenant.

Je reste toujours convaincu que le livre n’est pas un orphelin quand bien même il s’ouvrirait à plusieurs mondes de lecture. Il y a toujours une « communauté de sens » (D. Hirsch) qui le porte et c’est au nom de cette communauté de sens que le professeur Jean-Pierre Kankwenda-Odia, dans sa Préface, tient à mettre en lumière en faisant voir que l’herméneutique de l’œuvre scientifique de Louis MPALA Mbabula a comme clé de voûte l’Homocentrisme. En effet, chaque travail sur l’un de mes textes m’apprend quelque chose et les critiques me rajeunissent.



[1] KATEMBO Sempela, H., De la mondialisation néolibérale à l’altermondialisme chez Louis Mpala, Travail de Fin de Cycle en Philosophie, Grand Séminaire Interdiocésain Saint Paul –Philosophat de Kambikila, Lubumbashi/RDCongo, mai 2008, inédit.

[2] KAYEMBE Ilunga, P., La problématique de l’indépendance de la R.D. Congo chez Mpala Mbabula Louis, Travail de Fin de Cycle en Philosophie, Grand Séminaire Interdiocésain Saint Paul –Philosophat de Kambikila, Lubumbashi/RDCongo, mai 2013, inédit.

[3] MOLISO Makuba, C., La démocratie prosôponiste à la rescousse de la Décentralisation en république Démocratique du Congo, Chesnau, Generis Publishing, 2021.

[4] KABULA Kabila, M., Le consensus politique, voie ouverte pour le développement de la démocratie prosôponiste.Essai sur la nouvelle conception de la démocratie de Louis Mpala Mbabula, Lubumbashi, Editions Mpala, 2021.

 

[5] MPALA Mbabula, L., Initiation à la philosophie africaine. Pour P. Tempels, Niamkey Koffi et P.J. Hountondji II, Lubumbashi/ Chisinau, Editions Mpala/ Generis Publishing, 2020.

[6]NIAMKEY Koffi, Controverses sur la philosophie africaine, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 63.

[7]Ibidem, p. 64.

[8] J’ai même l’intention de faire saisir ces notes et les soumettre à Okolo Okonda pour les éventuelles corrections de sa part avant de les mettre en ligne.

[9] HOUNTONDJI, P.J., -« Une pensée pré-personnelle : Note sur « Ethnophilosophie et idéo-logique » de Max Augé », dans L’homme, n° 185-186, 2008. Spécial sur L’anthropologue et le contemporain : autour de Max Augé, p. 343-364.

-« Ethnophilosophie » : le mot et la chose [en ligne] https://pdfslide.net (page consultée le 15 mars 2018).

 

[10] P. HOUNTONDJI, « « Ethnophilosophie » : le mot et la chose », p. 6-7.

[11] Ibidem, p. 7. Je souligne.

[12] Ibidem, p. 7. Je souligne.

[13] Ibidem, p. 7.

[14] Ibidem, p. 7.

 



[1] Cfr L. MPALA Mbabula, L’Homocentrisme par-delà l’eurocentrisme et l’afrocentrisme. Préface de Benoit AWAZI, Paris, Edilivre, 2018.

 

[2] H. G. GADAMER, dans C. DUTT  Herméneutique. Esthétique. Philosophie pratique. Dialogue avec Hans-Georg Gadamer, Quebec, Fides, 1998, p. 34-35.

[3] Cfr H. G. GADAMER, Vérité et méthode. Les grandes lignes d’une herméneutique philosophique, Paris, Seuil, 1976, p. 141. 

[4] Cfr L. MPALA Mbabula, Initiation à la philosophie africaine. Pour P. Tempels, Niamkey Koffi et P.J. Hountondji II, Lubumbashi /Chisinau, Ed. Mpala / Generis Publishing, 2020. Ce livre est à lire car il remet les pendules à l’heure en ce qui concerne la problématique de la philosophie africaine (son histoire, son statut, ses méthodes, ses courants, etc.).