• Ce texte est une conférence tenue en 2000. Son actualité est indéniable.

BIOETHIQUE BIBLIQUE OU APPEL A LA CONSCIENCE HUMAINE

Texte présenté à la première journée sociale et éthique du Groupement congolais des Omnipraticiens, Lubumbashi 18/07/2000

 

 

1. LA CONSCIENCE, QU'EST-CE?

 

         Tout membre du Groupement Congolais des Omnipraticiens est un être conscient et est censé pratiquer son métier avec conscience, mais une question surgit dans cette journée sociale et éthique, à savoir qu'est-ce que la conscience?

 

         Est-elle un produit social?  Est-ce un esprit?  Est-ce un produit de l'activité du cerveau?  Est-elle un attribut de l'âme ou un produit de la matière?  Est-elle une parcelle divine?  Quand apparaît-elle?  A la conception ou au premier souffle?  A un âge donné quand le sujet est impliqué dans les rapports sociaux et de production?  Voilà des questions qui ne laissent personne indifférent.

 

         A notre humble avis, partant de l'étymologie qui veut que le concept conscience soit un "savoir-avec" ou un "AVEC-SAVOIR", nous nous posons la question de savoir en quoi consiste ce savoir et avec qui ou quoi est-il.  Tout en réservant la réponse aux pages ultérieures, nous affirmons que ce savoir-avec est dans le foetus dès le jour de la fécondation, et il suffit de certaines conditions pour le voir se développer.  Il réside, en dernière analyse, au début, dans les "équipements génétiques".

 

         Comme le foetus est un être produit par et dans les rapports sociaux (ici les rapports sexuels, violents soient-ils), il va de soi que la conscience soit un Savoir-Avec intégré dans les équipements génétiques et il se développera grâce aux rapports sociaux et de production dans lequel se trouvera inséré l'être humain ayant le cerveau.  Ainsi, en dernière instance, la conscience sera comprise comme une instance intérieure par laquelle l'être humain parviendra à se choisir le bien à faire et le mal à éviter.  Cette instance intérieure surgira dans un ensemble de rapports sociaux, politiques, économiques, etc.  Ainsi se posera plus tard la fameuse question de savoir qui doit décider que tel acte est bon et tel autre ne l'est pas.  Est-ce l'homme qui est en la mesure?  Ou la société en dernière analyse?  Se découvrant faillible et le remarquant aussi à ses semblables, l'homme cherchera ailleurs la mesure du bien et du mal.  Ainsi la Transcendance interviendra.  De ce fait, le "SUR-TOI" (les commandements de Dieu YHWH commençant par "Tu...") proposera à être humain conscient le code de conduite(SIRAC 17, 1-13) et subordonnera le "SUR-MOI" (ici le code que la société se dote pour être au-dessus des différents moi).  Le "SUR-TOI" s'imposera sur le "SOUS-MOI", ici les différentes morales de situation, celle d'indifférence et d'anarchie.

 

         L'Omnipraticien, être social et ayant une conscience, fille de son milieu socio-politico-philosophico-religieux, se trouvera, durant sa pratique médicale, devant certains cas qui auront à secouer sa conscience.  Il s'agit notamment de l'avortement et de l'Euthanasie.

 

2. L'Avortement comme pratique interpellant la conscience

 

         Siracide 38, 1-15 demande au croyant de consulter le médecin quand il est malade et de l'honorer pour ses services.

 

         Il se fait que certaines personnes consultent l'Omnipraticien pour une Interruption  volontaire de la Grossesse, I.V.G. en sigle, et à ce propos, la grossesse est vue comme une maladie.  Elle fait "mal".  Alors il faudra passer à l'avortement.

 

         L'I.V.G. ne va pas sans problème moral.  Doit-on la justifier avec l'argument de "Solution des délais" qui veut que l'avortement soit pour les 14 premières semaines de grossesse.  A ce niveau surgit aussi une autre question: à partir de quel moment le foetus est un être humain?  Tout omnipraticien doit y répondre.  Nous pensons, à notre humble avis éclairé par la bible que dès la Fécondation, (où il y a fusion de deux cellules haploïdes appelées gamètes), on a un EMBYON RIGOUREUSEMENT UNIQUE.  i.e "si son matériel génétique provient pour 50% de sa mère et 50% de son père, il est faux de penser qu'il (l'embryon) est un simple mélange à part égale de ses parents.  Les lois de la génétique et de la biologie moléculaire font qu'en effet, grâce à des recombinaisons de son ADN qui compose les chromosomes, il possède des caractéristiques qui lui sont propres, qui n'existaient chez aucun de se géniteurs, et que la probabilité que 2 individus soient identiques est tellement incroyablement faible qu'en statique on dit que le risque est nul"[1].

 

         Cet embryon rigoureusement unique est aussi AUTONOME.  L'expérience des bébés-éprouvettes a "permis de démontrer qu'un embryon dès l'instant de la fécondation était autonome et indépendant de sa mère: effectivement, non seulement la fécondation peut être réalisées in vitro dans un (sic) éprouvette, mais encore en peut ensuite réimplanter l'embryon dans un utérus différent de la mère et le bébé grandit!"[2].

 

         En outre, nous croyons savoir que "de la première cellule au vieillard, il n'y a que des différences de stades de développement.  Il n'y a pas de différence de nature.  Ainsi, l'embryon au stade de zygote évolue invariablement vers le développement d'un enfant s'il ne meut pas (...), et inversement tout être humain a été à son origine un zygote composé d'une seule cellule".  De tout ce qui précède, il y a unicité de nature, de l'embryon à l'enfant né.

 

         Nous disons alors que "dès la première seconde, c'est bien d'un minuscule être humain qu'il s'agit, autonome et distinct de sa mère"[3], le même qui deviendra un jour omnipraticien.

 

     En un mot, l'embryon ne doit pas être réduit à un simple matériau et "il n'y a pas de comparaison possible entre l'embryon humain et celui d'une autre espèce.  Entré dès sa conception dans une histoire collective et singulière, l'embryon de nature humaine appartient à notre humanité.  Il y va du respect de la personne humaine indépendamment de la qualité propre de cet embryon"[4].

 

         Puisqu'il en est ainsi, la parole du Ps 130, 13 selon laquelle "c'est toi qui m'as formé les reins, qui m'as tissé au ventre de ma mère" arrive à point et Ex 23, 26 qui dit qu'"il n'y aura pas dans ton pays de femme qui avorte" servira de guide ou de lampe sous les pas de l'omnipraticien à qui Dt 17,  14 recommande de ne pas tuer.

 

         Evitons de recourir à la "solution des délacs" qui entretient "une culture de la mort"[5], "saurons le foetus de la mort", et "extirpons-le des mains des scientifiques"[6].

 

         Que dire l'IMG (interruption médicale de grossesse), jadis appelée ITG (interruption thérapeutique de grossesse)?  Doit-on interrompre la grossesse parce qu'on aura un enfant handicapé ou atteint d'une maladie incurable?  Nul n'ignore que la souffrance est devenue intolérable dans nos sociétés de consommation et de calcul, société où règne l'individualisme.  Est-ce par "compassion" que l'on doit décider de le supprimer? N'est ce pas par ALIBI?  L'alibi de notre impossibilité à admettre premièrement que l'enfant n'est pas conforme à l'idée que nous nous en faisons, et deuxième que notre vie va être bouleversée?[7]"  Ne doit-on pas rechercher les possibilités de soigner et guérir les maladies repérées dès les seins maternels?  Est-on sûr d'avoir raison à l'autopsie du foetus évacué?  Peut-on vraiment soutenir jusqu'au bout que l'IMG est un vrai Eugénisme?  N'est-elle pas motivée, en dernière instance, "par l'intérêt de la collectivité à ne pas supporter des éléments "déficients", dont on sait qu'ils sont coûteux, qu'ils nécessitent des soins et une attention constants, et qu'ils sont source de souffrante pour l'entourage familial"[8] et de moquerie pour la société qui qualifiera l'enfant d'"erreur médicale"?  Un tel enfant qui connaît une discrimination à l'origine de sa vie n'échappera pas à une discrimination sociale.  Voilà qui justifie pourquoi certains cachent dans la maison leurs enfants handicapés.

 

         Que dire de la grossesse provenant du viol?

 

 

         Faut-il ajouter le traumatisme de l'interruption de grossesse à celui de l'agression?  Ne faut-il pas "aider plutôt que tuer"?[9].

 

         L'omnipraticien pratiquant l'avortement présente-t-il à ses clientes les risques comme la stérilité, le décès, la rétention, les infections locales ou généralisées, la perforation utérine, la déchirure du col de la matrice, les hémorragies, doublement du taux de grossesse extra-utérines, augmentation des risques de fausse-couche et de naissance prématurées et le syndrome post-avortement(état dépressif, graves répercussions sur la relation mère-enfant, désordres psychologiques, etc..)?  Ne pas les avertir n'est pas une escroquerie?  L'omnipraticien peut-il l'accepter pour sa fille?  Jésus ne nous demande-t-il pas de ne pas faire à autrui ce qu'on aimerait pas subir?  Kant n'intervient-il pas ici quand il nous invite à nous conduire de telle sorte que nous puissions aussi vouloir que notre maxime devienne une loi universelle?  Quand nous posons l'acte d'avortement, nous arrive-t-il de nous poser la question de savoir si notre acte peut être universalisable ou recommandable par Dieu?

 

         A présent, parlons de l'Euthanasie.

 

3. L'EUTHANASIE FACE A LA CONSCIENCE

 

         Il arrive que le malade demande à l'omnipraticien d'abréger ses souffrances en limitant ou en arrêtant les traitements.  Et on demande alors au patient de signer son "Testament de vie".  Le terme n'est-il pas impropre du fait que la limitation ou l'arrêt des traitements précipitent la mort?

 

         Doit-on parler de l'Euthanasie active et passive ou s'agit-il tout simplement de l'Euthanasie?  Ne cherche-t-on pas à calmer sa conscience en inventant des termes comme acharnement thérapeutique, obstination déraisonnable, escalade thérapeutique, obstination thérapeutique, etc.?

 

         Nous savons que nous devons tenir compte de la diversité des sensibilités philosophiques des omnipraticiens présents.  Mais nous ne pouvons pas ne pas soulever des problèmes.

 

         Peut-on limiter ou arrêter les soins de base, les traitements de confort, les traitements de soutien ou de suppléance?  Faut-il seulement le faire dès lors qu'il est avéré que l'affection causale ne répond pas à ses traitements spécifiques, quand il n'y a aucune raison logique de poursuivre ces traitements?

 

         Nous pensons que l'omnipraticien est convié à faire le bien, i.e. à soigner et à éviter le vocabulaire "stratégique" comme p.e: ne pas faire le mal = s'abstenir de ce qui serait obstination déraisonnable; empêcher le mal = arrêter ce qui est devenu obstination  déraisonnable.

 

         Il serait aussi opportun, pensons-nous, de ne pas se cacher derrière le PRINCIPE DE BIENFAISANCE inspirant la compassion en abrégeant la souffrance et justifiant la progressivité de l'arrêt des traitements.

 

         De tels actes relèvent-ils réellement de l'INTENTION LOUABLE cherchant à éviter de longues souffrances au patient ou à son entourage, si le patient est inconscient?

 

         La limitation ou l'arrêt des traitements fondés sur l'argumentation morale du respect de la volonté autonome du patient et de la délibération collective se posent-il la question du sens et de la valeur du principe d'autonomie et de la délibération collective?  Peut-on vraiment définir jusqu'où la volonté du patient doit déterminer la décision, i.e. jusqu'où l'équipe médicale est tenue moralement de suivre la volonté du patient?  Autrement dit, la moralité consiste-t-elle à respecter tous les choix singuliers du patient?  Ne consisterait-elle pas en ce que la personne autonome se donne à elle-même sa loi d'action universalisable (Bible)?  Le patient, comme tout homme, est-il réellement autonome?  En outre, "comment s'assurer, pour le patient conscient, que ce qu'il dit exprime bien sa volonté propre et comment, pour le patient inconscient, connaître sa volonté?"[10]

 

         Quand bien même un document écrit existerait, n'aurait-on pas comme réserve la variation des souhaits au fil du temps? Les témoignages auprès des proches échapperaient-ils à la réserve de fragilité et de crédibilité?

 

         Quand bien même cette autonome serait reconnue, le patient est-il le maître absolu de sa vie?  Si non, est-ce la délibération collective qui a le dernier mot?  Est-ce parce que la délibération est collective qu'elle est bonne?

 

         De toutes ces questions oratoires, nous pensons que l'Euthanasie, est, en dernière analyse un SUICIDE MEDICALEMENT ASSISTE.  Dieu doit toujours rester pour nous ce que dit le Ps. 46,1: "Dieu est pour nous refuge et force, secours dans l'angoisse toujours offert".  Voilà pourquoi nous ne pouvons que recommander un accompagnement des mourants qui est un signe élevé de l'amour du prochain et qui revêt souvent la forme de "soins palliatifs" rendant la souffrance plus supportable dans la phase finale de la maladie et assurant au malade un accompagnement humain approprié.

                                               Abbé Louis MPALA MBABULA

Diplôme en Athéisme(P.U.U./Rome)

Bachelier en Théologie(P.U.U./Rome

Licencié et Agrégé en Philosophie(F.C.K./Kinshasa).

Docteur en philosophie

 



[1] L'être humain, à partir de quand? [en ligne] www.survivants/ (page consultée le 12 juin 2000). com

[2] Ib., p. 2.

[3] Ib., p.3

[4] Déclaration du Conseil National de l'Ordre des médecins, 21octobre 1994, cité par Ib., p. 3.

[5] Avortement. Le grand retour de l'ordre moral? Enquête de B.SCHAAD(le 23 mars 2000),  [en ligne] www. webdo.ch/hebdo/   (page consultée le 12 juin 2000)

[6] Ib., p. 1.

[7] L'interruption médicale de grossesse,  [en ligne] www.survivants.com (page consultée le 12 juin 2000)/

[8] Ib., p. 2.

[9] Enquête citée, p. 1.

[10] Bases de réflexion pour la limitation et l'arrêt des traitements en réanimation,   [en ligne] www.srlf.orgl (page consultée le 12 juin 2000)