Donc  Contre vents et marées  signifie contre Notre société qui ne voit pas comme Kisimba et Yolande. Voilà l’enjeu de ce NON. Ce NON dévoile la force de la volonté idéaliste de ces deux amants symbolisant tous les jeunes amants du monde confrontés aux obstacles tribalistes, sociaux, etc.
 
Ce NON dénonce la société victime des coutumes ancestrales, de l’amour de l’argent, de la « société régie par de calcul »(p. 10). CE NON dévoile aussi la MAITRISE DE SOI  dont les deux amants doivent témoigner pour affronter la société organisée à sa façon, et pour s’inscrire en faux contre cette société, il faut que le NON soit ouvert au DIALOGUE. Chacun et chacune le fera au sein de sa famille et de ses amis. Ainsi les deux amants, par leur NON, refuseront d’être pris en otage et auront à soulever la montagne.
ILUNGA Kayombo, Bernard, Contre vents et marées, Kinshasa, Editions Saint Paul, 1996.(Roman).
 
 
 
CONTRE VENTS ET MAREES
                                                                    OU
 LA PHILOSOPHIE DU « NON » EMANCIPATEUR
 
 
INTRODUCTION
 
            Contre vents et marées est un roman écrit par un philosophe sans un diplôme Universitaire en philosophie[1], du moins in illo tempore. Un présupposé anthropologico-philosophique sert de fondation pour bâtir la maison qu’est le roman Contre vents et marées . Le savait-il ? là n’est pas le problème, mais l’essentiel est que tout homme a une vision du monde et de choses, inconsciente soit-elle, l’essentiel est que c’est cette vision qui préside à la réalisation de sa vie.
 
            Abordant philosophiquement le Contre vents et marées, il sied de replacer l’œuvre dans son contexte socio-politique-(social) culturel. Le contexte est celui du KATANGA. La politique est celle  où les frères Kasaïens sont traités de LOCATAIRES. Le social ou le culturel, ici, est la rencontre de deux TRIBUS (Kasaïenne et une du Katanga) dont les vues sont différentes sur le mariage. Notre affirmation se base sur la parole du père de Yolande à la page 77 : «  Cette tribu- là, non ! Tu sais très bien que lui et les siens nous traitent de locataires ici chez eux, et pour nous chasser ils n’attendent qu’un prétexte. Non, ce n’est pas à ces gens- là qu’il faut faire un cadeau ». Le mariage est-il un CADEAU ?
 
            Le contexte étant situé, il nous reste à relever le présupposé anthropologico-philosophique servant de fil conducteur pour comprendre le roman et connaître l’auteur. Schleiermacher, dans son Herméneutique, nous donne deux méthodes d’interprétation, à savoir l’interprétation grammaticale et l’interprétation technique ou psychologique, toutes deux doublées de la méthode comparative et divinatoire. Heidegger nous invite à comprendre l’œuvre à partir de sa SITUATION, son sol anthropologique et ainsi comprendre l’Ecrivain B.I.K. ( Bernard Ilunga Kayombo) sera le saisir comme un être-de- projet. Effectivement, son projet était de devenir prêtre et son roman n’est que son point de vue en tant que futur prêtre. Gadamer nous invite à saisir BIK comme un être- historique, donc un être- affecté-par-le-passé et se débattant dans le présent où tout homme doit vouloir sa destinée. Ricœur nous prie de nous approprier les idées du roman de BIK pour marquer le but de toute compréhension. Habermas attirera notre attention sur un fait : la tradition tribale ou religieuse qui porte et que porte BIK peut être victime d’une certaine idéologie. D’où la critique s’avère indispensable.
 
            De tout ce préalable herméneutique, vous comprendrez que nous essayons de tout faire pour apprécier, le plus philosophiquement possible, une œuvre qui parle «  du cœur et de ses raisons que la rationalité sociale ignore ».
 
            Retenez pour toujours que toute lecture finit par se frayer une VOIE OBLIQUE dans la forêt qu’est TEXTE, ici le Roman. Ceci pour dire que la subjectivité a droit de cité.   
  
 
LA  PHILOSOPHIE  DU «  NON » EMANCIPATEUR
 
 
            BIK est convaincu que l’home se découvre aussi par le «  NON » ; c’est le Grand Refus d’Herbert Marcuse. Dès la page 8, Kisimba est aux prises avec le NON face à ses parents. Il en sera de même avec Yolande.
 
Le premier «  NON » de Yolande apparaît à la page 20. Ces deux NON révéleront la personnalité de Kisimba et de Yolande. Les deux NON sont chargés d’une force philosophique s’opposant à toute conception de la vie, des coutumes et de mariage. Ainsi à ces deux NON s’allieront l’OPTIMISME ET L’ESPOIR   de ces deux amants qui ont à lutter contre leur société, symbolisée  par VENTS et MAREES.
 
Donc  Contre vents et marées  signifie contre Notre société qui ne voit pas comme Kisimba et Yolande. Voilà l’enjeu de ce NON. Ce NON dévoile la force de la volonté idéaliste de ces deux amants symbolisant tous les jeunes amants du monde confrontés aux obstacles tribalistes, sociaux, etc.
 
Ce NON dénonce la société victime des coutumes ancestrales, de l’amour de l’argent, de la « société régie par de calcul »(p. 10). CE NON dévoile aussi la MAITRISE DE SOI  dont les deux amants doivent témoigner pour affronter la société organisée à sa façon, et pour s’inscrire en faux contre cette société, il faut que le NON soit ouvert au DIALOGUE. Chacun et chacune le fera au sein de sa famille et de ses amis. Ainsi les deux amants, par leur NON, refuseront d’être pris en otage et auront à soulever la montagne.
 
Ce NON manifeste toute une conception de la vie pour laquelle les deux amants doivent lutter : « Nous devons écrire notre propre histoire, l’écrire même s’il faut pour cela tremper la plume dans nos larmes », se résume BIK dans la bouche de Yolande à la page 85.
 
 Ainsi pour l’auteur, l’homme, par son NON, doit être un être historique. De ce fait, en voulant écrire son histoire, chacun doit affronter le fatalisme, le conformisme, le tribalisme, la conception de la dot, l’opinion, etc. Pour ce faire, ce NON est un souci d’émancipation : « Je ne suis quand même pas un gosse », dira Kisimba à la page 12. Yolande le dira aussi à sa mère et à son père. Le NON est une manière d’exprimer et de vivre sa liberté et accepte toutes les humiliations même si la psychologie de Kisimba semble de temps en temps fléchir devant la réalité crue de la vie. C’est ici que Yolande paraît être l’EFFORTILE de Kisimba, ce médicament qui fait remonter la tension quand l’hypotension se manifeste. Kisimba est souvent amoureusement hypotendu.  Et comme Kisimba semble représenter l’Auteur, nous nous demandons si l’Auteur…Oh ! non, puisque Yolande est aussi la bouche de l’auteur.
 
            CE NON, signe de Liberté, permet de « naviguer à contre courant » (p. 15) et à faire voir que le REALISME n’est pas le FATALISME, car il faut refuser de « se coucher dans la manière commune de penser et d’agir (…) [mais] être réaliste veut dire, entre autres, croire en ses capacités d’innovation et de rénovation », nous dit BIK par la bouche de Kisimba à la page 16. Faisons remarquer que l’auteur n’utilise pas le mot REVOLUTION, mais innovation et  rénovation qu’il n’explique pas, par surcroît. Peut – être qu’il n’était pas encore fort spéculativement. Non, ce n’était pas son souci n° 1.
 
            Ce NON est signe de RESPONSABILITE  où la DECISION personnelle est une expression ; mais cette RESPONSABILITE est responsable, car elle dialogue, entend les autres et délibère. Yolande en est l’exemple :  « Le temps des mariages forcés est révolu. Et même s’il n’est pas encore révolu, moi je ferai exception à la règle.  J’entends choisir moi-même mon mari. Le choisir en toute liberté. Les conseils judicieux des parents, des amis, seront toujours les bienvenus, mais en dernière instance [nous soulignons], c’est moi et moi seule qui déciderai. J’ai choisi Luc. Et pas un autre », dit Yolande. A dire vrai, cette fille, à un moment donné, semblera fléchir, surtout quand, devant le lit de malade de son père, l’auteur révélera sa pensée : « La demoiselle retenait son souffle. Si son père venait à mourir, avec le « non » dans la bouche, que ferait – elle ? » (p. 105). Ici on voit que l’auteur est fils de sa tribu. Nous en reparlerons.
 
            Le NON RESPONSABLE est une fidélité à sa conscience (p. 36), une résolution à vivre même dans l’inconfort (p. 37), car ce NON voit l’essentiel : « Si ! Maman, il est à la hauteur de mon cœur », s’exprima Yolande (p. 37).
 
            Ce NON refuse d’attirer sur soi la pitié du monde. Il est serein, car il a pour l’un des principes de vie : « Toujours sourire » (p. 39).
 
            Ce NON est une prise de position face au DESTIN qu’on veut nous faire SUBIR. Ainsi Contre vents et marées  est un cri contre un DESTIN A SUBIR et un combat  pour une DESTINNE A VOULOIR. Voilà pourquoi l’Auteur en parlera aussi à travers le personnage Alain : « Quoiqu’il en soit, je me suis refusé à maudire la vie. Mon moral aura beau se retrouver à zéro, ma confiance en la vie ne sera pas entamée. Car j’ai opté pour la vie ! » (p. 63). Cette volonté d’une DESTINEE VOULUE est toujours la conviction de l’Auteur quand il nous relate la lutte contre l’Apartheid : « J’ai refusé, disait un noir sud africain, pour moi et pour mon peuple, de vivre l’échine courbée. Et pour cela, je suis prêt à livrer ma vie (…). Je combats, renchérissait une femme, pour que la joie de vivre soit aussi accessible aux miens. Je suis sûre de la victoire. Si longue que soit la nuit, le jour finit toujours par se lever (…). Du milieu du tunnel où nous sommes, prêchait un pasteur noir, nous croyons que [Dieu] tu es notre Père. Que tu nous aimes ! que le mal, dont nous souffrons, te fait aussi mal. Que tu pleures de nous voir pleurer. Préserve-nous de la tentation de haïr, car la haine ne peut faire que naître la haine » (p. 90-91). Cette dernière phrase est celle d’un prêtre à travers un pasteur. Voyons en la lutte contre l’Apartheid, la lutte que Kisimba et Yolande mènent contre leur société, un autre apartheid. Tous refusent de SUBIR LE DESTIN et veulent CONSTRUIRE LEUR DESTINEE. C’est à ce niveau qu’intervient la GLORIFICATION DU TRAVAIL par le père de Yolande, ce père aveuglé par sa tribu et qui ne voulait pas voir que Kisimba pouvait aussi partir de sa pauvreté et que par le TRAVAIL, il était capable de CONSTRUIRE LA DESTINEE, car le TRAVAIL chasse « la misère [qui] est un vice » (p.104). Oui, «la misère n’est pas une faculté comme le croient tant de gens…» (p. 104).
 
            Suite à ce NON permanent, nous savons comment se termine l’histoire de deux amants devenus époux et épouse. Et l’auteur résume tout le roman dans l’homélie du prêtre : « Contre vents et marées, Luc et Yolande, vous nous dites aujourd’hui que le vrai amour ne se laisse pas lier les mains par les coutumes, les traditions, les conditions sociales et les autres inventions ou déviations humaines. Et par-dessus tout, votre mariage est une invite à la convivialité. » (p. 111).
 
CONCLUSION
 
            Avons-nous compris le texte ou l’auteur ? L’auteur pourra répondre à la question. Quel est son sol ontologique ? Nous croyons qu’il est fils de son temps, il est une plante dont les racines sont enfoncées dans le sol social et dont le tronc et les feuillages sont frappés par le vent, i.e, les jeunes confrontés au problème de Kisimba et Yolande. Ces oiseaux mangent de ses fruits, à savoir les conseils.
            L’auteur est un être-affecté-par-le passé. Ainsi il a certains préjugés propres à la TRADITION. Il semble croire que si un parent meurt avec un « NON » dans sa bouche quant à ce qui concerne le mariage d’un de ses enfants, il y aura malheur. Dieu peut-il permettre ce dernier là où deux s’aiment réellement et là où ils remettent entre ses mains leur vie conjugale ?
 
            L’auteur, à la page 10 , semble être victime de l’opinion ancestrale qui veut que la femme n’aide pas le futur mari à compléter la dot. Pourquoi la dot a-t-elle coûté mille et une peines ? Les parents de Kisimba n’avaient-ils pas raison sur ce point ? L’auteur peut-il encore soutenir une telle dot qui n’est pas, selon ses propres mots, « un signe d’alliance entre deux familles,(…) le gage de cette union ? »(p. 14). Qu’en avait dit Yolande, elle qui, jadis, dénonçait : « Si jamais il m’était donné d’exprimer mon avis à ma future belle-famille, je ne me priverai pas d’affirmer, que je ne suis pas une fille à vendre, que la dot n’est qu’un simple gage… rien de plus, rien de moins » ?(p. 38). A l’auteur de répondre.
Par ailleurs, un être « mystérieux », apparaît dans la toute dernière phrase du livre : l’oncle maternel. Qui est-ce ? L’auteur peu éclairer nos lanternes même s’il nous a répondu.
 
            Je vous remercie.


[1] L’écrivain Bernard Ilunga Kayombo est à présent Docteur en Philosophie de l’Università Gregoriana de Rome. Sa thèse de Doctarat portait sur Paul Ricoeur.